Bourse Avignon 2018

Il y a sept années de cela, mes valises se sont posées dans un Théâtre de la rue Sainte-Catherine, à deux jours du lancement du Festival d’Avignon. Ayant du temps de libre entre deux pacs à l’eau et un kir à la violette, j’écrivais sur tous les spectacles que je voyais, émerveillée par tant d’accessibilité, de foisonnement et de talent. Je me souviens encore de mon excitation lorsqu’une amie réussit à me trouver une place pour une création de Wajdi Mouawad dans la carrière de Boulbon. Le metteur en scène, qui cette année-là, était sur le bord de toutes les lèvres.

Depuis, le Festival est devenu mon rituel estival et Avignon ma ville de cœur. Un arrêt essentiel que je considère comme ma récompense de l’année, ma kryptonite. Un tumulte dans lequel je me sens chez moi. Des salles et des rues que je retrouve et que j’arpente les yeux fermés, avec l’éternelle sensation de marcher sur mes souvenirs et d’en créer toujours de plus intenses. Les traces que je laisse dans cette cité des Papes me convoquent chaque année et m’attirent sans relâche.

La critique de théâtre est née de mon amour du théâtre et du langage. De ma passion pour cet art sans lequel je me fanerais surement. Le frisson qui me parcourt lorsque je suis touchée par l’intensité d’un moment dramatique est incomparable. Mes plus beaux chocs, les plus grands bouleversements je les ai vus sur une scène de Théâtre, le seul endroit où mon mental et mon âme se suspendent dans le temps. Ce Théâtre qui m’habite, qui me nourrit, qui me guérit et que parfois je boude.

Gagner sa vie en écrivant des critiques n’est pas une mince affaire. Cela relève du domaine de l’impossible pour la jeune génération que nous sommes. Toutes les places sont prises et la Culture ne paye pas. Ce métier est peut-être voué à disparaitre. Mais lorsqu’on aime et que nous avons la fougue de la jeunesse et la croyance que tout est possible, on se bat et on tente par tous les moyens d’inventer, de créer, pour se faire sa place et provoquer les opportunités.

L’APCTMD est une association qui octroie chaque année une bourse pour se rendre au Festival d’Avignon. Elle nous encourage dans cette bataille et nous enlève l’épine la plus conséquente relative à nos finances. Ce genre de dispositif est nécessaire en soutien aux nouvelles générations de critiques dramatiques qui ont besoin de cet appui pour multiplier les expériences et les rencontres en se rendant au cœur de l’évènement théâtral de l’été : le Festival d’Avignon. Participer au Festival représente un coût qui n’est pas négligeable, surtout si on souhaite s’en imprégner sur la durée, à savoir trois semaines de spectacles. Avoir été choisie comme une des trois lauréates de l’été 2018 m’a permis d’accélérer la cadence et de lancer officiellement, dans un contexte cohérent, mon site internet, résultat de mois de travail bénévole : http://lamemoiredutheatre.com/ J’ai pu poursuivre mon projet sur place et rencontrer et interviewer de nombreux metteurs en scène (Olivier Py, Thomas Jolly, David Bobée…). Cette bourse m’a offert du temps et le moyen d’être au cœur de ce fourmillement artistique et humain.

Pendant deux semaines, les spectacles se sont enchainés. Mon cœur a battu la chamade. J’ai écouté, admiré, aimé. Ma gorge s’est nouée. J’ai été outrée, énervée et septique. J’ai voulu comprendre. Je me suis laissée tentée. J’ai été hypnotisée. Mes pensées se sont entassées et j’ai été submergée par tant de découvertes et d’espoir.

L’occasion se partager tous mes ressentis s’est présentée avec une table ronde de la critique, organisée par l’APCTMD et présidée par Marie-José Sirach. L’opportunité, pour la première fois, d’échanger et de confronter mes points de vues avec d’autres critiques et un public attentif. La possibilité d’asseoir sa crédibilité et d’obtenir davantage de visibilité sur mon travail.

Je suis repartie d’Avignon le cœur serré, avec cette éternelle impression de ne pas avoir pu prendre tout ce que ce Festival offrait. Ce qui est certain c’est que grâce à cette bourse et à mon expérience j’ai continué d’avancer. Je place mes pions un à un avec l’espoir que nous continuerons longtemps à se bouleverser grâce au théâtre.

Premier banquet pour jeune critique.

 

Digérer l’enchaînement de vingt spectacles condensés en trois semaines d’été sous un soleil bouillant, c’est le plus gros du travail. Puis rendre élégamment le florilège d’émotions, d’avis, voire même de doute, c’est l’enjeu de la critique. Et l’Association des Professionnels de la Critique de Théâtre, Musique et Danse m’a offert cette année, comme à deux autres collègues, ce privilège immense. Voilà donc le récit du festin de théâtre auquel je me suis livrée, pour la première fois.

 

Entrée, plat, dessert.

L’annonce de l’obtention de la bourse ouvre, à mon endroit, le Festival d’Avignon. Nous sommes au mois de juin. Je ne sais plus quel jour tant le 6 juillet, date du premier spectacle, était devenue crucial. L’incertitude liée aux contingences matérielles, se dissipe tout à coup grâce à une belle enveloppe de cinq cent euros offerte par l’Association. Je boucle donc mon programme et passe le pas d’une porte que l’APCTMD vient de m’ouvrir en grand : les accréditations. Je peux donc attaquer les premiers mets du buffet : dossiers de presses et autres infos picorées ça-et-là pour me documenter.

 

Après une longue attente, je passe enfin à table. Or j’apprends assez vite qu’à Avignon les repas se prennent souvent en marche, ou ne se prennent pas du tout. Je suis donc debout, ce soir du 6 Juillet, accoudée à la rampe de l’escalier majestueux qui surplombe la Place du Palais des Papes. Je scrute l’arrivée lente des spectateurs nombreux que j’observe en détail, plus ou moins bien parfumés, plus ou moins bien peignés. J’entends enfin résonner, pour ma première fois, les solennelles trompettes de chaque début de spectacle. À ce moment j’y suis, et je sens déjà que je vais me régaler. Le Thyeste de Thomas Jolly, amorce mon festival et me permet de filer, dans les lignes qui vont suivre, la métaphore culinaire.

 

Et le meilleur arrive, comme souvent sur la fin…de ma première semaine. Je peux dire à présent que mes plats préférés furent les interviews. En plus des critiques, rédigées sur arkult.fr, je bénéficie sur place du généreux soutien de Marie-José Sirach pour publier dans l’Humanité mes entretiens successifs avec Didier Ruiz, Étienne Gaudillère et les Bâtards Dorés. Là encore je salue l’APCTMD pour l’efficacité du « titre » de lauréate de cette importante bourse, qui m’a permis d’asseoir ma crédibilité.

 

Mes trois tendres.

À Avignon on travaille, mais surtout on ressent. Difficile de cerner dans ces trois semaines condensées, l’emprise qu’une pièce peut avoir sur nous. À mes débuts comme critique on m’avait expliqué qu’une pièce qui tracasse, qui revient comme par flashs est une pièce que l’on aime et aimera toujours. Aujourd’hui je peux confier que mon coeur a battu, trois fois avec une force que je n’ai pas ressentie depuis la cité des papes.

 

C’est Didier Ruiz qui m’offre ma première tocade. Autant qu’il a bousculé mon programme chargé, Trans (més enllà) me bouleverse dans le corps et l’esprit. Je transforme ce tumulte en outil de travail et décide de me lancer pour l’interviewer. À ce moment précis, je saisi la densité du métier de critique dramatique. L’enthousiasme pour le beau, pour une justesse, modifie complètement l’ordre de mes priorités. La deuxième grande claque c’est Julien Gosselin qui me la flanque sans prévenir. Il met en scène dix heures de spectacle, Joueurs, Mao II, Les Noms, qui illustre l’expression « rester accroché à son siège ». Fatigue, extase, ennui, tout y passe pour moi, sauf la déception.

 

Le dernier grand ravissement, c’était avec Méduse. Ayant déjà rendez-vous avec ses créateurs, Les Bâtards Dorés, je redoutais de ne pas passer un bon moment. Heureusement je me trompais, et je vécu dans la salle, sur mon fauteuil en plastique, un ravissement total que je ne pourrais oublier. J’ignorais jusqu’alors qu’il était possible de se faire embarquer autant par une mise en scène, un texte, des lumières, une création sonore. Arrachée à mon siège par les applaudissements, je dû me concentrer pour enchaîner sur la suite, sans égal aujourd’hui.

 

Mais il faut bien une fin à toute chose qui rend chose. Et rien ne m’avais préparé à la mélancolie harassante des derniers jours d’Avignon. J’étais donc résolue à y échapper à tous prix. Je me console et prends la ferme résolution de faire de la critique mon futur métier. Repoussant les limites de l’épuisement physique, j’embrasse, je dis au revoir, à bientôt, à très vite et quitte Avignon le mardi 24 juillet. Repue de souvenirs, enrichie de rencontres, j’y reviendrais cela est sûr. L’Association finalement, m’a donné une bourse, mais m’a fait découvrir une réelle vocation.

 

 

 

 

 

 

 

Si Peter Brook dans L’Espace vide déclarait que le « théâtre c'est la vie dans une forme plus concentrée », le Festival d’Avignon concentre pendant trois semaines des personnes animées par la même passion pour le spectacle vivant, qui ne porte alors jamais aussi bien son nom.

Lieu de rencontres et d’échanges entre artistes, journalistes, diffuseurs, et tout individu impliqué dans cet univers qui fait que, malgré les difficultés diverses, « et pourtant, ils [les spectacles] tournent ! », ce milieu est propice à l’émulation. Grâce notamment au soutien de l’association de la critique, j’ai pu faire de cette effervescence estivale et artistique, de cette ruche entre pairs, qui assume l’impair de l’entre-soi, mon miel. Déjà en ayant la possibilité de voir un grand nombre de spectacles, dans un temps resserré, rythme épuisant qui fait partie du jeu avignonnais et qui rend possible, en contrepartie, de cerner les tendances, de dégager des lignes générales, de sentir les pulsations du moment, les attendus, mais aussi les déceptions sur les scènes. Un festival ne se résume pas en effet à une succession de spectacles et dispose d’une direction, sensible dans la programmation, ici autour du genre. Les explorations ces dernières années de cette question sur les devants de la scène – tant théâtrale que médiatique – témoignaient ici d’une belle diversité : certains artistes assumaient de fort partis pris politiques, faisant du plateau un porte-voix, comme Saison sèche de Phia Ménard, d’autres se contentaient au contraire d’en faire un support esthétique (même si d’aucuns diront que cela est déjà politique, on songe à Romances inciertos de François Chaignaud et Nino Laisné), et les Sujets à Vif l’étaient littéralement, avec L’Invocation de la muse de  Caritia Abell et Vanasay Khamphommala

Avoir pu assister à ces différents spectacles m’a donné l’occasion de faire des liens et des parallèles, de mettre à jour des filiations ou des écarts entre les œuvres… Mais également de constater l’absence toujours d’égalité sur les plateaux, malgré les bonnes intentions affichées.

Avignon fut donc l’occasion d’aiguiser mon regard, d’approfondir ma culture, et s’est offert comme une fenêtre sur le paysage théâtral actuel, nécessairement cadré et limité, mais ouvrant sur un horizon à explorer. Tout cela aurait manquer néanmoins de sel sans les partages d’avis et d’envies, les querelles et les échanges avec des collègues critiques et autres « professionnels de la profession ». Échos des planches, rumeurs des coulisses, le plaisir du festival tient aussi à ce jeu sérieux qui fait que l’on peut s’étriper à propos d’un spectacle, et les divergences d’opinion mènent à des discussions jusqu’à tard dans la nuit, sur une mise en scène ou un manque de parti-pris. On commente les papiers des un·e·s et des autres et finalement, le théâtre se saisissant des problématiques contemporaines, on en vient à prendre d’assaut et faire main basse, le verbe haut, sur des débats sociétaux. Le fond et la forme, tout naturellement, s’informent : dans cette profusion textuelle et verbale se met alors en branle une forme d’intelligence collective.

Quelques difficultés néanmoins : travaillant pour un média qui privilégie des articles longs et fouillés, le rythme soutenu du festival s’est révélé compliqué à combiner avec l’écriture. Mais mes articles, à peaufiner dans les jours suivants, pourront être publiés au gré des tournées des spectacles en France. Ce format a entraîné un autre petit regret : n’avoir pas pu profiter de la profusion des spectacles du Off… Cependant à ces petites déceptions répond positivement une belle expérience : si j’avais pu déjà cette année explorer un aspect du travail journalistique au niveau éditorial, en cherchant et discutant avec des auteurs et autrices, comme Caroline Châtelet, pour écrire sur des spectacles, j’ai pu m’exercer lors du Festival à une autre pratique, en animant une rencontre entre Phia Ménard et Emanuel Gat lors d’une séance du cycle des Ateliers de la pensée – exercice périlleux d’équilibriste, où il s’agit d’articuler les pratiques des deux artistes, trouver leurs points communs et leurs écarts, mais exercice fécond et valorisant que de voir éclore de belles pensées au croisement de ces regards, devant une audience attentive.

Ainsi, grâce notamment à l’association de la critique, dont le soutien financier a été déterminant pour me permettre de vivre le Festival d’Avignon dans sa longueur et pour en découvrir (presque) toutes les saveurs, j’ai pu poursuivre ma pratique et ma professionnalisation en tant que critique. Et, au terme de ces semaines intenses et denses, toujours la même excitation, toujours la même passion pour partir en quête d’émotions, pour découvrir ces spectacles qui nous font nous sentir vivants.

 

Ysé Sorel

 

Ysé Sorel

Au printemps 2017, j’ai appris avec bonheur l’existence de la bourse de l’APCTMD destinée à aider de jeunes critiques à se rendre à l’un des trois grands festival de théâtre (Avignon), de musique (Aix-en-Provence) ou de danse (Montpellier) organisés dans l’été. Jeune critique de théâtre, je finançais jusqu’alors ma présence au Festival d’Avignon en travaillant à la bibliothèque de la Maison Jean Vilar. Un travail alimentaire privilégié, certes, mais qui ne me laissait pas assez de temps pour me consacrer pleinement à la critique. Grâce à la bourse, j’ai pu me rendre à Avignon avec une seule casquette, celle de journaliste, et consacrer tout mon temps et mon énergie à l’activité de spectatrice-critique.

Outre l’aide financière indispensable à la vie de festivalier, il me semble important de souligner le soutien moral que constitue cette bourse. On le sait, l’insertion professionnelle des jeunes journalistes est souvent difficile, en particulier dans le secteur culturel. Dans ce contexte, la bourse portée par l’APCTMD m’est apparue comme une main tendue, un signe d’ouverture et d’encouragement envoyé par des confrères expérimentés et admirés. Je garderai longtemps le souvenir de la première conversation critique dans la cour du Cloître Saint-Louis, où je suis allée m’asseoir, livide et tremblante, à la table des vieux briscards de la critique qui plaisantaient sur le dernier spectacle qu’ils avaient vu, en attendant que le débat commence… Au-delà de l’anecdote, c’est précisément là que se situe, je crois, le plus grand intérêt de ce dispositif : nous permettre de nager dans le grand bain de la critique, d’apprendre le métier en le pratiquant de manière intensive pendant trois semaines, au contact de ses pairs. Cet exercice fut pour moi éminemment responsabilisant, « légitimant » et formateur.

L’immersion et la présence sur toute la durée du festival permettent également de faire des rencontres et d’amorcer des collaborations qui pourront se prolonger au-delà du mois de juillet. A l’issue du festival, j’ai ainsi entamé deux nouvelles collaborations avec le magazine web Profession-Spectacle et avec le site internet de la revue Frictions.

Enfin, j’aimerais dire le plaisir que j’ai eu à partager cette expérience avec mes camarades lauréats. Le journalisme étant un exercice solitaire, il est passionnant de voir ses collègues à l’œuvre et de les interroger sur leur propre expérience. J’ai ainsi découvert avec Ronan Ynard une pratique de la critique qui, je dois l’avouer, m’était totalement inconnue : le vlog théâtre. Dans un tout autre style, j’ai beaucoup appris en discutant et en regardant travailler Caroline Châtelet, dont l’exigence et la profondeur des analyses sont de précieux modèles à emporter avec soi après le festival.

Lien vers quelques articles publiés lors du Festival :

- Critique du spectacle Tristesse et joie dans la vie des girafes, parue dans le journal L’Humanité

- Article sur le dispositif Ecrits d’acteurs mis en place par l’Adami, paru dans le journal L’Humanité

- « Billet d’humeur » sur le spectacle Les Parisiens, publié sur le site internet de la revue Agôn

- Critique du spectacle Unwanted, publiée sur le site internet Profession-Spectacle

Le festival d’Avignon, je l’avais prévu, organisé, et même payé – une petite chambre chez l’habitant assez loin des remparts, des billets de trains à des heures pas possible et ça pour ne pas trop dépenser. Faire Avignon, puisqu’il s’agit bien ici d’y apporter sa pierre, le jeune critique-youtubeur que je suis le voulait, mais c’est un budget à tenir serré. Sacrifier des jours de présence ? Sacrifier le confort d’un bon lit pour un sommeil réparateur si nécessaire ? Diminuer drastiquement sa consommation de Pac à l’eau ? La bourse de l’APCTMD a été une réponse à ces problématiques pécuniaires qui parasitaient ma préparation. Qu’il est confortable de pouvoir rallonger son séjour de quelques nuits, en sachant que la bourse est là pour vous soutenir. Fort heureusement, il n’est pas uniquement question d’argent. L’accréditation, et la facilité de son obtention, appuyée par celles et ceux qui sont maintenant vos pairs, sont encore une fois un soulagement. Billets de train, appartement et invitations n’étaient plus une préoccupation et j’ai pu, pendant 10 jours, me consacrer pleinement à mes vidéos. Dix vlogs ; un par jour. Je ne compte plus les heures passées sur le montage, mais je les sais inversement proportionnelles au nombre d’heures passées à dormir, pour que la vidéo au sujet des spectacles vus la journée soit en ligne dès le lendemain matin ! Mais quelle satisfaction de voir le nombre de vues augmenter tous les jours. Chaque matin, sur les réseaux sociaux, de nombreux festivaliers et surtout de nombreux spectateurs n’ayant pas pu venir au Festival, étaient au rendez-vous. Et puis le plaisir plus personnel de retrouver les autres critiques au fond de la piscine, au bar du In, de se retrouver souvent côte à côte, ou pas très loin, dans les gradins au confort incertain du cloître des Célestins. Une certaine fierté d’être assis à la table de Philippe Chevilley et Marie-José Sirach pour débattre en public des spectacles au programme. Le plaisir de se sentir appartenir à un groupe, les critiques. Alors oui, c’est une bourse, c’est financier, c’est vrai, mais c’est aussi et surtout une légitimité qu’on vous offre. Crédible vous l’étiez car vous avez été choisi par le comité, mais légitime, se sentir légitime au milieu de ces routards avignonnais c’est autre chose, et la bourse de l’APCTMD en cela m’a beaucoup aidé. Le festival d’Avignon, je l’avais prévu, organisé, et même payé – une petite chambre chez l’habitant assez loin des remparts, des billets de trains à des heures pas possible et ça pour ne pas trop dépenser. Faire Avignon, puisqu’il s’agit bien ici d’y apporter sa pierre, le jeune critique-youtubeur que je suis le voulait, mais c’est un budget à tenir serré. Sacrifier des jours de présence ? Sacrifier le confort d’un bon lit pour un sommeil réparateur si nécessaire ? Diminuer drastiquement sa consommation de Pac à l’eau ? La bourse de l’APCTMD a été une réponse à ces problématiques pécuniaires qui parasitaient ma préparation. Qu’il est confortable de pouvoir rallonger son séjour de quelques nuits, en sachant que la bourse est là pour vous soutenir. Fort heureusement, il n’est pas uniquement question d’argent. L’accréditation, et la facilité de son obtention, appuyée par celles et ceux qui sont maintenant vos pairs, sont encore une fois un soulagement. Billets de train, appartement et invitations n’étaient plus une préoccupation et j’ai pu, pendant 10 jours, me consacrer pleinement à mes vidéos. Dix vlogs ; un par jour. Je ne compte plus les heures passées sur le montage, mais je les sais inversement proportionnelles au nombre d’heures passées à dormir, pour que la vidéo au sujet des spectacles vus la journée soit en ligne dès le lendemain matin ! Mais quelle satisfaction de voir le nombre de vues augmenter tous les jours. Chaque matin, sur les réseaux sociaux, de nombreux festivaliers et surtout de nombreux spectateurs n’ayant pas pu venir au Festival, étaient au rendez-vous. Et puis le plaisir plus personnel de retrouver les autres critiques au fond de la piscine, au bar du In, de se retrouver souvent côte à côte, ou pas très loin, dans les gradins au confort incertain du cloître des Célestins. Une certaine fierté d’être assis à la table de Philippe Chevilley et Marie-José Sirach pour débattre en public des spectacles au programme. Le plaisir de se sentir appartenir à un groupe, les critiques. Alors oui, c’est une bourse, c’est financier, c’est vrai, mais c’est aussi et surtout une légitimité qu’on vous offre. Crédible vous l’étiez car vous avez été choisi par le comité, mais légitime, se sentir légitime au milieu de ces routards avignonnais c’est autre chose, et la bourse de l’APCTMD en cela m’a beaucoup aidé.

Lien vers la chaîne YouTube de Ronan Ynard :

https://www.youtube.com/channel/UC-q0tam_o5BvsRCPTHLlsKw

Le temps de présence dans un festival conditionne nécessairement la réception qu’on en a, l’état dans lequel on le traverse. S’il s’agit là d’un lieu commun, suivre en 2017 près de dix-huit jours le festival d’Avignon - chose possible uniquement par l’obtention de la bourse - a été important par cette expérience de la durée. Outre la découverte de nombreux spectacles et la possibilité d’écrire au fil des jours, j’ai notamment réalisé comment, les éditions précédentes, je «cédais» à la frénésie du festival. En étant présente peu de jours, je prenais en quelque sorte de plein fouet l’intensité du rythme, la programmation pléthorique, la densité de population. En 2017, j’ai éprouvé le festival différemment. Disons que peut-être pour la première fois j’ai vu ses différents tempos, la diversité des mouvements l’agitant. De l’effervescence de la soirée d’ouverture, à la montée en puissance - liée aussi à la présence massive de spectateurs au mitan de juillet -, jusqu’à l’approche imminente de la fin du In, j’ai pu suivre les pleins, les déliés, les saturations, les polémiques, les petits scandales, ou encore les suspensions d’Avignon. La présence au long cours m’a permis d’être dans un rapport plus serein, moins excessif - ce qui, je pense, a résonné dans mon travail -, tout en étant vigilante à l’endurance nécessaire pour tenir sur la durée. Peut-être, également, ai-je éprouvé à quel point le festival In architecture le planning du journaliste-critique (ou pour le dire différemment, à quel point le rapport de classe existant entre In et Off agit en différents endroits). Non pas que les journalistes considèrent le Off avec condescendance en regard du In. Plutôt que par son fonctionnement (demande d’accréditation, durée démesurée de certains spectacles, sentiment de rareté des œuvres proposées) c’est bien le In qui impose son rythme, et le journaliste construit, le plus souvent, son parcours dans le Off en fonction de celui du In.
S’il m’est difficile de nommer précisément ce que cela a produit dans mon travail, j’ai pris un vif intérêt à établir des rebonds, des renvois d’une œuvre à une autre. Ayant assisté, peu ou prou, à autant de spectacles dans le cadre du In que du Off, j’ai écrit huit articles pour la revue en ligne agon.ens-lyon.fr, un article pour www.regards.fr (au fil du festival) et trois critiques pour le trimestriel Théâtre(s) (après la fin du festival).
Parmi les améliorations possibles, et sans avoir l’assurance de la pertinence de la proposition suivante, une remarque : à Avignon, la question du logement est un point épineux. S’il est bon que la bourse soit en monnaie sonnante et trébuchante - les lauréats peuvent ainsi en user comme bon leur semble (voyage, restauration, logement, etc.), une évolution possible pourrait être un investissement dans une location d’appartement : cela permettrait peut-être aussi aux stagiaires de travailler ensemble, d’échanger, d’avoir des temps informels de rencontres.
En tous les cas, un grand merci pour cette bourse. C’était génial !

Liens vers les articles écrits :
Articles (au nombre de huit) écrits pour la revue agon.ens-lyon.fr
http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=3501

Article écrit pour www.regards.fr
http://www.regards.fr/web/article/le-monde-par-le-theatre