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Micheline Rozan est née le 11 septembre 1928 à Paris.

1947. La guerre est finie depuis peu. Des étudiants étrangers arrivent à Paris en très grand nombre. Il faut les aider à trouver un logement, les orienter dans les méandres de la Sorbonne, faire une brèche dans leur isolement. Un dirigeant exceptionnel du CROUS, Jacques Chatagner, confie ces taches à Micheline Rozan. Elle a 19 ans. Ainsi se crée, au 15 rue Soufflot, un petit «bureau d’accueil» qu’elle dirige et anime.

Déjà, elle aime le théâtre, le cinéma, le journalisme. Ce sont les thèmes des «sessions culturelles» qu’elle organise au Manoir de Boncourt, à 80 kms de Paris, près d’Anet. Aidée par une poignée d’amis, élèves des Beaux-Arts, elle rend le Manoir hospitalier pour y faire vivre, pendant un week-end entier une trentaine de participants de toutes nationalités. L’atmosphère est chaleureuse, les repas raffinés pour contraster avec l’ordinaire des restaurants universitaires. Elle fait appel, comme conférenciers, à des personnalités de premier plan. Elle n’essuie aucun refus. A une session sur la presse, par exemple, se retrouvent à Boncourt le président Albert Bayet, Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, Claude Bourdet, directeur de l’Observateur et Raymond Manevy, rédacteur en chef de Paris-Presse. Ces rencontres ? Une goutte d’eau si l’on pense au petit nombre d’étudiants concernés – mais aussi une parenthèse heureuse dont les participants gardent le souvenir longtemps après être retournés chez eux.

Lors d’une des sessions consacrées au théâtre, Micheline Rozan fait la connaissance de Jean Vilar qui venait de créer le Festival d’Avignon. Lorsqu’il est nommé quelques mois plus tard à la tête du T.N.P., elle fait acte de candidature spontanée. Ainsi entre-t-elle au Théâtre National Populaire, celui de la grande époque : Jean Vilar, un administrateur hors pair Jean Rouvet, une troupe composée de Gérard Philipe, Maria Casarès, Alain Cuny, Monique Chaumette, Silvia, Monfort, Geneviève Page, Georges Wilson, Philippe Noiret, Jean-Pierre Darras, Daniel Sorano, …Trois spectacles par an, représentations à Chaillot et Avignon, tournées dans le monde entier, innovations en tous genres quant à la recherche de nouveaux publics : la création d’avant-premières, «nuits» (spectacle suivi d’un bal), ouvreuses et vestiaires gratuits, etc.

En ayant la charge du secrétariat général de 1952 à 1957, elle découvre tous les rouages qui font qu’une entreprise théâtrale se démarque de toutes les autres. Au bout de 5 années - elle a maintenant 29 ans - elle rejoint la plus importante agence française CIMURA, elle-même reliée à  la plus importante agence américaine MCA. Là elle représente des acteurs : Jean-Paul Belmondo tout frais émoulu du Conservatoire, Annie Girardot, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Marie Bell, …

Auprès d’Albert Camus, elle joue un rôle déterminant dans la création au Théâtre Antoine de son adaptation des Possédés de Dostoïevski. Le soir de la première, elle reçoit des fleurs de Camus avec un mot : «Les Possédés vous doivent de voir le jour. Sachez que je ne l’oublierai pas. Votre ami A.C.». Avec lui, elle devait mettre sur pieds un projet cher à son cœur : un théâtre d’auteurs contemporains. L’élan fut coupé par la mort tragique de Camus le 4 janvier 1960. Pendant le temps de CIMURA, d’autres spectacles sont à mettre au crédit de Micheline Rozan : Cher Menteur, où Maria Casarès et Pierre Brasseur triomphent à l’Athénée, Vu du Pont, avec Raf Vallone, qui triomphe à Antoine. C’est à cette occasion, en 1956, qu’elle fait la connaissance de Peter Brook avec lequel se nouent des liens qui ne se sont jamais dénoués.

MCA lui offre des missions à New-York et des stages à Hollywood au sein même de l’Agence, qui lui permettent de voir de près le fonctionnement d’une agence qui représente la quasi-totalité du monde du spectacle outre-atlantique.

1963. Micheline Rozan crée sa propre société. Elle produira notamment : La Reine verte de Maurice Béjart, musique de Pierre Henry, avec Maria Casarès et Jean Babilée ; Oh papa, pauvre papa d’Arthur Kopit avec Edwige Feuillère ; Une Histoire immortelle, film d’Orson Welles avec Jeanne Moreau et Orson Welles ; L’Aide-mémoire, première pièce de Jean-Claude Carrière, avec Delphine Seyrig ; Harold et Maude, de Colin Higgins, par la Compagnie Renaud-Barrault.

Elle est à l’origine de l’unique venue en France de Lee Strasberg, fondateur de l’Actor’s Studio.

En même temps, elle représente Jeanne Moreau lorsque celle-ci tourne sous la direction de Malle, Truffaut, Antonioni, Demy, Brook, Bunnuel, …

Lorsqu’en 1970, Peter Brook fait appel à elle pour entreprendre les étapes qui mèneront à la réouverture des Bouffes du Nord, tout ce qu’elle a appris au cours d’une vie déjà bien remplie trouvera naturellement à s’exprimer. Elle codirige les Bouffes du Nord jusqu’en 1997 et revient quelques années plus tard aux côtés de Peter Brook. Ils passeront le relais à Olivier Mantei et Olivier Poubelle en 2010.

Une cérémonie aura lieu vendredi 14 septembre à 16h au crématorium du Père Lachaise

Dans le cadre du palmarès 2018 des prix annuels décernés par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, musique et danse, le collège musique a souhaité récompenser en premier lieu l’action menée à la tête du Théâtre National de l’Opéra-Comique par Olivier Mantei son directeur au bénéfice de la musique lyrique française. A ce titre, le Grand Prix a été décerné à la production du Domino Noir d’Auber, ouvrage caractéristique du genre opéra-comique du 19 ème siècle et qui s’avère ne pas avoir pris une ride. Co-Produit avec l’Opéra de Liège Wallonie, ce spectacle a pris toute sa dimension dans la mise en scène pleine d’esprit et de rebondissements de Valérie Lesort et Christian Hecq. Avec une distribution vocale de premier ordre, dont Anne-Catherine Gillet(soprano) et Cyrille Dubois (ténor) dans les rôles principaux, l’Orchestre Philarmonique de Radio-France et le Chœur Accentus placés sous la baguette de Patrick Davin, le succès public et critique fut complet. Le Prix Claude Rostand -meilleure production lyrique créée en région-, a été attribué l’Opéra de Nancy Lorraine pour Werther de Jules Massenet dans la mise en scène nouvelle et puissante du Bruno Ravella. Au titre de la création musicale, c’est l’opéra Pinocchio créé au Festival d’Aix-en-Provence à l’été 2017 qui a été récompensé. Philippe Boesmans en a composé la musique sur un livret de Joël Pommerat d’après Collodi. Cet ouvrage a ensuite été représenté sur plusieurs scènes hexagonales ainsi qu’à Bruxelles. Le prix des meilleurs éléments scéniques a été attribué à Jean-Philippe Clarac et Olivier Deleouil Le Lab pour un ensemble de productions présentées par leurs soins dans le cadre de leur résidence à l’Opéra de Limoges (Madame Butterfly, Peer Gynt…). Stéphane Degout, baryton, a été élu Personnalité musicale de l’année. Outre un splendide Marquis de Posa du Don Carlo de Verdi à l’Opéra de Lyon, il a créé à Aix Pinocchio. Le jeune chef d’orchestre en pleine ascension Julien Masmondet a été désigné révélation musicale de l’année. Deux livres remarquables ont été récompensés : Le Voyage d’Hiver, anatomie d’une obsession par le ténor Ian Bostridge, qui a souvent interprété ce fameux cycle de mélodies au concert, paru aux éditions Actes Sud et Fritz Busch, l’exil 1933/1951 de Fabian Gastellier aux éditions Notes de Nuit. Le coffret de 33 CD consacrée à Claude Debussy paru chez Warner Classics et comportant plusieurs inédits à reçu pour sa part le prix de la meilleure diffusion audiovisuelle musicale. Pour conclure, le Prix de l’Europe Francophone fut attribué à la co production de l’Opéra de Monte-Carlo et de l’ Opéra de Saint-Etienne pour Adriana Lecouvreur de Francesco Cilea dans une mise en scène fastueuse et très originale de Dadive Lavermore.

 

José Pons

En 2018 et pour la seconde année consécutive, l’Association Professionnelle de la Critique Théâtre, Musique et Danse (ex Syndicat de la Critique), lance un appel à candidatures pour financer le déplacement de critiques professionnels ou en devenir dans un festival français d’envergure, ce jusqu’à trois récipiendaires pour chaque discipline. Cette année, les manifestations concernées sont les festivals d’Avignon (Théâtre), les Chorégies d’Orange (Musique lyrique), le Festival de Radio-France Montpellier (Musique lyrique et concerts) et Le Temps d’Aimer à Biarritz (Danse).

L’aide financière proposée par l’APCTMD est d’un montant pouvant s’élever jusqu’à 600 euros par dossier, permettant au candidat de se rendre au festival, de se loger et de parer à d’éventuels frais sur place. A cette aide s’ajoute un accompagnement logistique : l’APCTMD se charge des rapports avec les festivals, les services de presse et proposera à chaque critique sélectionné un référent sur place, membre de l’APCTMD, pour des questions pratiques et des échanges d’expériences. Durant leurs séjours, les lauréats présents au Festival d’Avignon seront invités à participer à la conversation critique organisée par l’APCTMD, soit le 16 juillet 2018 à 14 h30.

L’APCTMD attend de chacun des lauréats qu’il lui fournisse les critiques des spectacles vus dans les festivals afin de les relayer sur son site internet – en plus du ou des supports des lauréats respectifs.

Afin de postuler, le candidat doit envoyer un dossier électronique comprenant :

  • Un courrier précisant le festival dans lequel il souhaite se rendre et détaillant ses motivations pour obtenir la bourse (1 page maximum).
  • Trois critiques récentes publiées dans la discipline concernée.
  • Une copie de pièce d’identité.
  • Un RIB.
  • Le candidat doit être membre de l’APCTMD. Si ce n’est pas le cas, merci d’envoyer un dossier de candidature à l’Association (à télécharger sur le site internet) en même temps que le dossier de candidature à la bourse. Ne pas joindre de chèque pour l’adhésion à l’association pour cette première étape. Dans le cas où le candidat n’aurait pas de parrains, il peut entrer en contact avec Julie Briand qui transmettra aux membres de l’association.

Les bourses seront attribuées en fonction de la qualité des dossiers. Aucune aide ne sera accordée par défaut, et les éventuelles bourses non attribuées seront de nouveau soumises à un appel l’année suivante.

Les dossiers doivent être envoyés complets, par courrier électronique, impérativement avant le 28 mai 2018 à Julie Briand, secrétaire administrative de l’APCTMD, à l’adresse mail suivante : juliejbriand@gmail.com

Pour obtenir au besoin des renseignements complémentaires, les candidats peuvent contacter les personnes suivantes : pour le théâtre, Philippe Chevilley : p.chevilley@lesechos.fr ; pour la musique, José Pons : jpons@netcourrier.com ; pour la danse Antonella Poli : antonella.poli@chroniquesdedanse.com

Une forte personnalité de l’univers de la danse, la danseuse et chorégraphe française Françoise Adret qui fut une exigeante «maître de ballet» en France et hors de France, nous a quittés le 1er avril 2018 à l’âge de 97 ans.

L’actuel Ballet de l’Opéra de Lyon qui rayonne dans le monde entier, lui doit sa personnalité et sa notoriété de compagnie permanente ouverte à la danse de son temps. De 1985 à 1992, à la demande de Louis Erlo, directeur de l’Opéra de Lyon, elle en fut la directrice dont le mandat débuta par un coup de maître, la commande de «Cendrillon » à Maguy Marin. Auparavant, elle avait fondé et dirigé le Ballet de l’Opéra d’Amsterdam (1951-1958) et le Ballet de l’Opéra de Nice (1960-1963) où elle signa plusieurs chorégraphies.

Françoise Adret fut en France une actrice des débuts d’une autre aventure artistique, comme «maître de ballet», celle de la décentralisation de la danse, avec la création du Ballet Théâtre Contemporain aux cotés de Jean–Albert Cartier, à Amiens puis à Angers de 1968 à 1978.

Elle fut appelée ensuite au Ministère de la Culture (1978-1985) comme inspectrice de la danse, ce qui lui permit de soutenir l’installation dans les conservatoires de l’enseignement de la danse contemporaine.

Jusqu’à un âge avancé, elle fut requise dans les situations de crise, comme au Ballet du Nord en 1994 et 1995 et au Ballet de Nancy en 1999. L’étranger continua aussi à la solliciter comme «maître de ballet», de Séoul à Asunciôn en passant par Saint-Pétersbourg.

La danseuse Françoise Adret avait reçu une formation classique de professeurs exilés russes installés en France après la Révolution d’octobre. Après la Libération elle fut engagée par l’Opéra de Paris et se fit remarquer en créant en 1948 le «Pas d’acier» dans la version de Serge Lifar qui avait su tirer partie de son énergie exceptionnelle compensant une petite taille. La même année, elle signa sa première chorégraphie «Conjuration» (poème de René Char, décor de Georges Braque, musique de Jacques Porte). Liée à Roland Petit, elle fut dans les années 50 son «maître de ballet et le retrouva à Marseille en 1997-1998.

Personnalité curieuse des mouvements artistiques de son temps, dotée d’un caractère fort, le verbe haut, Françoise Adret témoigna, en restant fidèle à un style néo-classique, d’une ouverture d’esprit qui contribua largement , pendant un demi-siècle, au développement et au rayonnement de la danse française.

Yves Bourgade

Avec la mort de Michel Sénéchal, c’est tout un art spécifique, celui d’une certaine approche du chant français toute de probité et de sincérité, qui semble disparaître. C’est au Festival d’Aix-en-Provence à l’été 1956 que Michel Sénéchal (1927/2018) est révélé au grand public avec son interprétation grandiose de la grenouille Platée dans l’opéra éponyme de Jean-Philippe Rameau, ouvrage alors totalement oublié et ressuscité par les soins de Gabriel Dussurget, directeur du Festival. Ce rôle fétiche deviendra pour Michel Sénéchal son cheval de bataille, à l’Opéra-Comique notamment 20 ans plus tard. Ténor de grâce à l’aigu facile et à la diction parfaite, au timbre reconnaissable entre tous, Michel Sénéchal, après des études au conservatoire de Paris sous la direction de Gabriel Paulet qu’il révérait, débute en 1950 à la Monnaie de Bruxelles en abordant déjà dans le répertoire mozartien (Pedrillo de l’Enlèvement au Sérail de Mozart) et français comme La Dame Blanche de Boieldieu ou Le Comte Ory où il fait merveille. Il remporte en 1952 le premier prix du prestigieux concours de Genève. Il paraît à l’Opéra de Paris à partir de 1958, à l’Opéra-Comique et sur toutes les scènes françaises, mais aussi au Festival de Salzbourg invité par Herbert Von Karajan. A partir des années 70, sur les conseils de Rolf Lieberman, il se dirige plus spécifiquement vers les empois de caractère, où sa faconde irrésistible et son sens inné de la scène le distingue : Basile des Noces de Figaro (Mozart), les 4 valets des Contes d’Hoffmann (Offenbach), l’innocent de Boris Godounov (Moussorgski), Triquet d’Eugène Onéguine (Tchaïkovski), plus tard Ménélas de la Belle Hélène (Offenbach) au Théâtre du Chatelet. Il assure par ailleurs plusieurs créations d’ouvrages lyriques contemporains, dont Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen en 1983 (Frère Elie) ou Montségur de Marcel Landowski en 1985 (Fabien). A partir de 1982 et durant plus de 20 ans, il paraît chaque année au Metropolitan Opéra de New-York et enseigne dans les universités américaines. Durant les années 90, Il sera directeur de l’école de chant de l’Opéra de Paris. Michel Sénéchal s’est retiré des scènes en 2004 après un dernier aumonier de Dialogues des Carmélites (Poulenc) à l’Opéra de Paris. Outre Platée, il a beaucoup enregistré son répertoire, mais aussi la mélodie française qu’il affectionnait particulièrement notamment celle de Francis Poulenc.

 

José Pons

Avec Jean-Claude Malgoire, c’est l’une des figures les plus nobles de la musique française qui disparaît. Cor anglais solo de l'Orchestre de Paris juste avant l'arrivée de Charles Munch en 1967, il devint dans le même temps le père fondateur de la musique à l'ancienne dans l'Hexagone : un pionnier donc de la première heure, de celle où il n'y a que des coups à prendre, mais aucune subvention.

Ainsi créait-il voilà juste un demi siècle avec une poignée de camarades du Conservatoire de Paris la première formation baroque française baptisée "La Grande Ecurie et la Chambre du Roy". Il avait retenu la leçon de Boulez concluant à la nécessité de créer des ensembles spécifiques au répertoire d'aujourd'hui, en l'appliquant à celui d'hier. C'est le côté Astérix de Jean-Claude Malgoire qui cachait sa détermination derrière la bonhomie de son sourire et la broussaille de sa barbe.

C'est peu dire qu'il a essuyé les plâtres en France avec La Grande Ecurie et la Chambre du Roy faisant tout à la fois œuvre de musicologue, de défricheur et de chef à mains nues... C'était l'époque où les cordes en boyau couinaient, où les cuivres primitifs canardaient en arrachant les oreilles des aficionados de Karajan qui, emporté sur les sommets de la gloire par l'essor du microsillon, avait porté à la perfection la technique de jeu et le son de ses philharmonies de Vienne à Berlin. Comparaison n'est certes pas raison, mais ça grognait grave sur France Musique !

Pourtant, notre hautboïste avignonnais avait trouvé une maison de disques... étrangère (CBS) pour graver les premiers travaux aboutis de sa Grande Ecurie et la Chambre du Roy. C'est ainsi que leur magnifique résurrection du "Te Deum" de Marc-Antoine Charpentier devait envahir les étranges lucarnes en devenant l'indicatif de "L'Eurovision"... Versailles et le compositeur en bénéficièrent plus que les interprètes.

Un autre grand tournant dans l'histoire de notre première phalange baroque fut la création en 1981 de l’Atelier Lyrique de Tourcoing à la tête du quel Malgoire devait beaucoup se dépenser pour le renouveau de la vie musicale de Versailles. Si c'est aujourd'hui chose faite, la bataille n'était pas gagnée d'avance !

De Tourcoing je garde le souvenir d'un vrai chef d'Atelier accueillant personnellement, avant de gagner son pupitre, son public dans le hall du théâtre de poche à la manière d'une Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil : servir toujours le public
autant que la musique. Loin des feux de la capitale, l'institution aurait pu somnoler au fil des ans comme tant d'autres. En dépit de moyens matériels modestes comparés à ceux de Paris ou de Lyon, elle réussit à faire remarquer le fruit de son travail, d'abord sur les opéras de Monteverdi, puis ceux de Mozart. Jeannine Roze prit le risque d’amener l’équipe au Théâtre des Champs-Elysées avec la Trilogie Mozart-Da Ponte : le mot hideux de province comme disait Malraux, y redora son blason.

Il en fallait plus pour entamer la modestie et l’imagination de Jean-Claude Malgoire et de ses musiciens. Au point que le chef a souhaité que la prochaine saison (2018-2019) ait lieu : l’amour du travail bien fait d’un authentique chef d’atelier.

Jacques Doucelin

Paris, le 9 janvier 2018

Pierre Debauche vient de nous quitter alors que, malgré une maladie contraignante et un âge avancé, il continuait à animer le Théâtre et l’École de comédiens qu'il a créés à Agen. Ce fut la dernière aventure réussie d'un homme de théâtre qui depuis ses débuts n'a jamais cessé de se préoccuper du public, parfois oublié d'une partie de la famille-théâtre.
Je ne vais certes pas rappeler tout l’extraordinaire parcours d’un utopiste convaincu.
Je veux retenir, ici, deux aventures : celle de Nanterre et celle de Limoges. Il décide, avec sa petite équipe, de prendre en charge les spectateurs potentiels d'une commune déshéritée de banlieue et installe un modeste chapiteau au rond-point de La Boule (ça ne s'invente pas). Il l'inaugure sous l'orage, mais ne se décourage pas et réussit à convaincre la municipalité de lui confier un terrain en friche où vivait encore esseulé un petit amandier ! Et ça sera la construction de ce magnifique théâtre qu'il fera bâtir en complicité avec les architectes. En attendant, il montera Les Misérables, y révélant de jeunes comédiens, comme Patrick Chesnais ou Nicole Garcia. Quand le Théâtre des Amandiers sera ouvert au public, il invitera d'autres artistes, comme, notamment, son complice du Conservatoire, où ils enseignaient, Antoine Vitez. Celui-ci y donnera sa deuxième édition d'Electre, hors les murs, donnant naissance à " théâtre des quartiers"… qui deviendra le Théâtre des Quartiers d'Ivry…
Autre aventure : Robert Abirached décide "d'envoyer en terre de mission" Pierre Debauche… et ça sera Limoges.

Lucien Attoun

Michel Chapuis qui s’est imposé, dès les années 60 du XXème siècle, comme le chef de file de générations d’organistes qui conçoivent l’interprétation comme allant de pair avec une connaissance de la facture d’orgue, est mort le 12 novembre 2017 dans sa ville de naissance, Dole dans le Jura.

Sa réputation comme virtuose de son instrument dépassait les frontières de la France et le pédagogue complet qu’il était, a contribué également à sa notoriété internationale.

En 1981, à la suite de l’interprétation par Michel Chapuis de l’intégrale des «Chorals de Leipzig» de Jean-Sébastien Bach à l’orgue de la cathédrale du Festival de Saint-Bertrand-de-Comminges, notre aîné et confrère du quotidien Le Monde de 1961 à 1990, le critique musical Jacques Lonchampt, écrivait :

«…les notes défilaient comme de bonnes servantes, élégantes, souriantes, pas pressées ; la musique s’offrait, pleinement lisible, dans la clarté de l’exécution certes, mais surtout la limpide exégèse du texte. Aussi contemplatif qu’un Walcha (ndlr. célèbre organiste allemand 1907-1991), Chapuis l’est à la française : un contemplatif primesautier et subtil, servi par l’incomparable scintillement doux, d’une paisible grandeur, de cet orgue lui-même si purement français.»

Il n’y a pas une ligne à ajouter à cette analyse de l’art de Michel Chapuis qui, dès 1970, avait terminé pour la firme Valois une intégrale discographique (transposée sur 14 CD) de l’œuvre pour orgue de Bach, intégrale pour laquelle il avait recherché en Europe les instruments appropriés à chaque œuvre. Il devait également gravé une intégrale qui fit date, consacrée à un autre compositeur baroque allemand Dietrich Buxtehude.

La musique française des XVIIème et XVIIIème siècles était aussi sa terre d’élection . Son approche musicologique, son jeu nouveau avec la pratique des fameuses notes inégales et son ornementation expressive, contribuèrent largement à l’épanouissement du retour à la musique baroque et à la sortie de l’oubli de nombre de compositeurs, en tête les Français de cette période, de Titelouze aux Couperin en passant par Grigny, Marchand, Gervais, Balbastre etc.

En matière d’orgue il était intéressé par les factures de toutes les époques. Cette connaissance «de l’intérieur » de l’instrument qu’il touchait, acquise très tôt lors d’un stage de deux ans chez un facteur, en fit en France un expert écouté notamment de la section consacrée aux orgues de la Commission supérieure des monuments historiques. Il ne craignait pas de parcourir des kilomètres parfois à vélo pour faire connaissance avec un orgue dont on lui avait vanté l’originalité et parfois qu’il fallait sauver du dépeçage.

Né en 1930, dès l’âge de 9 ans, Michel Chapuis fut familier de l’instrument-roi en jouant le dimanche sur le grand orgue de la cathédrale de Dole.

Après la deuxième guerre mondiale, il suivit à Paris les cours de l’École César Franck (1947-1950), passa un an au Conservatoire national supérieur de musique (CNSM) dans la classe d’orgue de Marcel Dupré dont il sortit en 1951 avec un prix d’interprétation et d’improvisation.

Dès 1949, il était organiste à Paris à Saint-Germain-des-Près et en 1951, il avait la tribune de Saint-Germain-l’Auxerrois . Ensuite, il fut titulaire de l’orgue Clicquot de Saint-Nicolas-des-Champs (1954-1970), de l’orgue de chœur de Notre-Dame de Paris (1954-1963 et de l’orgue de Saint-Séverin avec deux autres co-titulaires (1964 à 2004).

Improvisateur inspiré (une particularité de l’école d’orgue française) , il aimait en effet accompagner de façon vivante les cérémonies religieuses.

En 1995, lui fut confiée jusqu’en 2010 par le Centre de musique baroque de Versailles, la tribune de la chapelle du château de Versailles où a été installé un orgue de style baroque français construit selon les plans du facteur Clicquot.

L’enseignement a occupé par ailleurs une grande place dans les activités de Michel Chapuis, soit dans les académies d’été, en France notamment à l’Abbaye de Saint-Maximin et à Saint-Bertrand de Comminges, soit dans les conservatoires successivement à Strasbourg, Besançon et Paris au CNSM, où il fut détenteur d’une classe d’orgue de 1956 à 1996.

Plusieurs générations d’organistes, aujourd’hui virtuoses reconnus et titulaires d’importantes tribunes, suivirent son enseignement. On peut citer François-Henri Houbart, Yves Castagnet , Michel Bouvard, Vincent Warnier, Thierry Escaich , Eric Lebrun.

On est quelque peu surpris que la disparition de Michel Chapuis n’ait suscité aucune réaction officielle du Ministère de la Culture. C’est vraiment méconnaître combien la France comptait avec ce musicien une figure illustre et exemplaire...

Yves Bourgade

Hébergé depuis 1925 à la Bibliothèque de l’Arsenal, le Département des Arts du Spectacle de la Bibliothèque Nationale de France, créé officiellement en 1976, vient de s’installer rue de Richelieu dans une partie des locaux de la BNF rénovée. Précédée de la Rotonde des Arts du Spectacle qui propose en accès libre une exposition permanente d’une cinquantaine d’œuvres et documents liés au spectacle, une très agréable et lumineuse salle de lecture permet l’accueil de 35 lecteurs pouvant disposer en accès direct de 5000 ouvrages et d’une trentaine de périodiques. Le fonds d’origine, celui constitué par Auguste Rondel (1858/1934), complété depuis lors par de multiples achats et des dons, est désormais conservé dans les magnifiques magasins réhabilités anciennement dédiés aux livres rares (transférés au sein de la Bibliothèque François Mitterrand dans le 13ème arrondissement de Paris) et dans d’autres réserves proches de la salle de lecture. La vocation du Département des Arts du Spectacle est de conserver la mémoire de toutes les expressions du spectacle vivant : théâtre, danse, musique pour partie, cabaret, music-hall, télévision et radiodiffusion avant 1974, le cinéma avant 1945, et plus récemment les spectacles de rue. Une antenne décentralisée du Département s’est installée en 1979 à Avignon, au sein de la Maison Jean Vilar, en partenariat avec l’Association Jean Vilar, ce en déclinaison du Festival de Théâtre, le plus important au monde, qui se déroule chaque été. Au total, le Département des Arts du Spectacle conserve près de quatre millions de documents et objets : manuscrits, correspondances, archives artistiques, administratives et techniques, maquettes de décors et costumes, estampes, dessins, programmes, affiches, photographies, archives sonores et audiovisuelles, livres et revues, costumes de scène… Lieu incontournable pour les chercheurs, il conserve de multiples fonds légués par les artistes eux-mêmes ou leurs ayants-droits, d’André Antoine à Roger Planchon, de Charles Dullin à Antoine Vitez ou Marcel Pagnol, Renaud Barrault, Théâtre du Soleil, Festival d’Automne.. Parmi les comédiens, citons Maria Casarès, Silvia Montfort, Edwige Feuillère, Charles Vanel entre autres. Côté chansons par exemple, Yvette Guilbert, Damia ou Edith Piaf.

Bibliothèque des Arts du Spectacle
58 rue de Richelieu 75002 Paris
Horaires du lundi au samedi de 10h à 18h
Tel : 01 53 79 43 87
arts-spectacle@bnf.fr

Recherches en ligne :
Bnf Catalogue général de la Bnf : catalogue.bnf.fr
Bnf Archives et manuscrits : archivesetmanuscrits.bnf.fr
Bibliothèque numérique Gallica : gallica.bnf.fr ou gallicaintramuros.bnf.fr
Fiches de références sur les auteurs, les œuvres et les thèmes : data.bnf.fr
Attention, une partie des collections n’est pas encore en ligne.
Pour les documents patrimoniaux, une réservation préalable est indispensable.
Facebook :  Bnf Arlequin-Arts du spectacle

Lien vers la vidéo de présentation : http://www.bnf.fr/fr/la_bnf/anx_richelieu/a.video_renovation_asp.html
Rotonde des Arts du spectacle (ancienne rotonde Van Praet) © Jean-Christophe Ballot / Oppic / BnF