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[COMMUNIQUE DE PRESSE L’ACDN] "...nous tenons à saluer aujourd'hui la mobilisation des occupant.e.s du Théâtre de l'Odéon que nous soutenons pleinement sur l'ensemble de leurs revendications."

CP ACDN_ 070321 ODEON

[Communiqué de presse] Contre l’autorisation du port d’armes dans les établissements culturels, et plus largement dans tous les établissements recevant du public.

COMMUNIQUE DE PRESSE - FRANCE FESTIVALS

Nous avons l’immense tristesse de vous annoncer le décès de notre très chère consœur et Vice-Présidente d’Honneur du Syndicat Professionnel de la critique Dominique Darzacq, survenu ce vendredi 8 janvier.

Journaliste, critique émérite, Dominique Darzacq a travaillé notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution et à TF1.

Elle a aussi collaboré à diverses revues et publications, notamment, le Journal du Théâtre, Itinéraire et Théâtre Aujourd’hui.

Dominique a également réalisé pour l’INA, « Mémoire du théâtre », une remarquable série d’entretiens-portraits avec les grandes figures : Hubert Gignoux, Roger Planchon, René Allio, Jacques Mauclair, Jean-Pierre Vincent, Jorge Lavelli, etc.

Elle était Officier des Arts et des Lettres.

Sa mort nous plonge dans une immense peine. Elle s’en est allée retrouver sa compagne de toute une vie, Martine Spangaro, qui s’est éteinte il y a quelques mois à peine.

© DR

[TRIBUNE] La directrice du Théâtre du Soleil ne comprend pas la lenteur et les atermoiements du gouvernement en matière de vaccination contre le Covid-19. Elle le fait savoir dans cette tribune, qui fédère déjà plusieurs dizaines de signatures, et en attend bien d’autres...

Ministres, n’êtes-vous donc pas prêts ? Et votre chef ? Au bout d’un an de ratages, d’appauvrissement, de pertes, d’humiliations, de souffrances, de morts, vous n’êtes toujours pas prêts ?!
Alors qu’en Allemagne et au Royaume Uni, au Danemark, dans toute l’Europe, les campagnes de vaccinations enregistrent des patients par milliers, en France, la patrie de Pasteur, nous comptons à peine quatre centaines de personnes âgées vaccinées. Et deux ou trois médecins, alors que tous les soignants de France et de Navarre devraient l’être avant tout le monde.

Pourquoi ? Que se passe-t-il ?
À vous écouter les Français seraient trop sceptiques, trop hésitants, bref, trop anti-vaccins.
Avez-vous donc si peur des Français que vous régliez ainsi votre pas sur les plus craintifs ou, plutôt, sur les plus soupçonneux d’entre nos concitoyens échaudés par vos mensonges et qu’aujourd’hui, vous poussez à la crainte par vos bobards obstinés et votre pusillanimité incompréhensible ?
Allez-vous vraiment vous abriter longtemps derrière ceux qui, par votre faute, restent indécis ? Ne voyez-vous pas que votre tiédeur suspecte nourrit les thèses obscurantistes les plus nocives, les plus vénéneuses.
Que ceux qui ne veulent pas se faire vacciner ne le fassent pas, c’est leur droit, mais en leur nom, allez-vous prétendre empêcher les volontaires de le faire au plus vite alors que, ce faisant, nous protègerions jusqu’aux plus rétifs des anti-vaccins, qui le savent bien d’ailleurs.

Pensez-vous vraiment pouvoir nous rejouer la petite musique de mars contre les masques ? Non ? Alors, faites votre métier, arrêtez de jouer de la flûte. Faites votre devoir. Organisez cette campagne de vaccination comme il se doit pour que nous, artistes de tous ordres, grands et petits restaurateurs, cafetiers, bistrotiers, boutiquiers, étudiants, professeurs, docteurs, infirmières, brancardiers, pompiers, policiers, caissières, athlètes, personnes âgées, nous puissions faire le nôtre et partager à nouveau ce qui s’appelle le bien commun, pour certains en ouvrant leurs théâtres, leurs cinémas, leurs restaurants, leurs boutiques, leurs bars, leurs gymnases, leurs universités, leurs bras. Pour d’autres, en cessant de surveiller nos cabas, nos déplacements, nos verres, nos fêtes, nos places et nos rues et en retrouvant leurs vraies missions de gardiens de la paix.

Ministres français, vous tremblez ? Et votre chef. Alors que, avec une incroyable promptitude, inespérée il y a encore quelques semaines, des savants du monde entier, ont, grâce à leur travail acharné, déposé en vos mains l’arme nécessaire et, bientôt, suffisante, pour vaincre le virus et libérer le pays de cet occupant dévastateur, vous tremblez ?! Alors partez. Démissionnez. Nous avons besoin de gens courageux, compétents, respectueux de leurs concitoyens.

Eh bien, qu’attendez-vous ? Vous voulez des suicides, des émeutes ? Des suicides, il y en a déjà. Quant aux émeutes, elles brûlent dans beaucoup de cœurs. Des cœurs pourtant bien sages d’habitude.

Si vous souhaitez co-signer cette tribune, envoyez votre nom et profession à : colere@theatre-du-soleil.fr

Publié le 02/01/21 (telerama.fr)

https://www.telerama.fr/debats-reportages/ariane-mnouchkine-sur-le-vaccin-ministres-netes-vous-donc-pas-prets-6792434.php

Presque tous les jours, on me demande de signer des pétitions demandant la réouverture des théâtres et des cinémas. Ces demandes sont tout à fait respectables mais elles reposent toujours sur le même mode d’action : la supplication. On demande, on supplie le gouvernement d’être à l’écoute de celles et ceux qui ne peuvent exercer leur activité, on met parfois en avant l’aspect essentiel, vital de la culture. On fait appel au bon sens, à la morale, à la psychologie, aux bons sentiments.
Le constat est pourtant implacable : lors de sa première intervention annonçant le nouveau confinement, Emmanuel Macron n’a pas dit un seul mot sur le secteur culturel pourtant massacré.
Dans un autre domaine, celui des droits sociaux, ce gouvernement fait même pire : il ne cesse d’affirmer que tout le monde sera couvert « quoi qu’il en coûte » alors qu’il laisse de côté des centaines de milliers d’intermittents de l’emploi (extras de l’hôtellerie, restauration, évènementiel, guides conférenciers ..) qui basculent au RSA dans la plus grande pauvreté. A ce sujet cela fait des mois que nous alertons, que nous revendiquons, que certains députés et sénateurs relayent les demandes, en vain. La seule victoire, nous l’avons obtenu au conseil d’état qui vient d’annuler une partie de la convention d’assurance chômage 2019. (Cf ma précédente tribune).
Près de 20 ans d’engagement politique et cette dernière victoire me confortent dans l’affirmation suivante apparemment évidente mais pas souvent appliquée :
Arrêtons  d’être défensifs et optons pour des stratégies offensives.
Le Gouvernement s’apprête à annoncer que les cinémas et théâtres ne rouvriront pas le 15 décembre et il est certain que les pétitions n’inverseront pas sa décision.
La seule solution : attaquer le gouvernement au conseil d’état avec un référé-liberté.
Le référé-liberté est une procédure qui permet de saisir en urgence le juge administratif lorsqu’on estime que l’administration (État, collectivités territoriales, établissements publics) porte atteinte à une liberté fondamentale (liberté d’expression, droit au respect de la vie privée et familiale, droit d’asile, etc.).
Le juge des référés a des pouvoirs étendus : il peut suspendre une décision de l’administration ou lui ordonner de prendre des mesures particulières.
Pour rappel les professionnels de la restauration et des stations de sports d’hiver l’ont fait et leurs demandes n’ont pas été retenues. Seule l’Eglise a gagné et le gouvernement a dû revoir sa copie sur la limitation à 30 personnes lors des cérémonies religieuses : la jauge est calculée en fonction de la superficie, elle n’est plus limitée.
Pourquoi ce référé-liberté devrait être gagnant ?
Parce que les juges administratifs du conseil d’état sont très attachés à la notion d’équité. Et les conditions d’accueil dans une église sont en tous points comparables à celles d’un cinéma ou salle de spectacle. Chacun est assis, masqué, ne bouge pas et tous regardent dans la même direction.
Ironie de l’histoire, Jean Castex lors de la présentation de sa loi sur le séparatisme n’a cessé de vanter la laïcité à la française. Or, dans les faits, les églises sont ouvertes et les théâtres sont fermés !
Nous n’avons que trop tardé.
J’appelle donc les directeurs de cinémas, théâtres et autres lieux de spectacle à déposer de toute urgence un référé-liberté au conseil d’état. Cette démarche est essentielle. Et si le juge nous donne tort, il devra justifier sa décision.
J’ai hâte de savoir en quoi le fait d’assister au récit de la naissance d’un homme nommé Jésus serait sans danger, alors que le récit d’un homme nommé tartuffe serait source de contamination.

Samuel Churin

📷Samuel Churin et Jean Pierre J-P Becker par Dominique Regazzi

La culture et le gouvernement, le mépris

Le verdict est tombé. Sec comme un coup de trique. Pas de culture. Ni à la St-Nicolas, ni à Noël, ni…
Jusqu’à quand le gouvernement pense-t-il pouvoir jouer au yoyo avec le monde de la culture ?
Souffler le froid... et le froid ? Depuis le début de la pandémie en mars, le pays a connu un confinement total, puis un déconfinement partiel avec couvre-feu.
Et désormais un reconfinement pour la culture jusqu’au 7 janvier, au moins…
Les raisons sanitaires, une courbe qui repart à la hausse, justifient-elles de mettre sous clé les théâtres, les cinémas, les cirques, les salles de concert, les musées ? Mais pas les centres commerciaux ?
Tous, artistes, théâtres, salles de spectacles, tous s’étaient préparés à jouer, rejouer, rouvrir le 15 décembre, en appliquant les mesures sanitaires de rigueur: spectateurs espacés et masqués, jauges à la baisse, horaires adaptés…
Les spectacles avaient été reprogrammés, décalés, certains loin dans le temps, d’autres repoussés à 2022.
Le monde de la culture est sous le choc. Il est même en colère.
Toutes les décisions sont prises en vase clos, sans la moindre consultation préalable auprès des organismes représentatifs. Il y a les conséquences économiques, catastrophiques : combien vont rester sur le bord de la route ?
Mais aussi les conséquences humaines, le sentiment que ce gouvernement se fiche des artistes, de la création, des spectateurs, tout juste bon à consommer dans les allées bondées des grandes surfaces.
En annonçant ces nouvelles restrictions, Macron tire sur le pianiste.
Sans sommation.

La Présidente
Marie-José Sirach

“J’ai 88 ans, je tiens plus debout, Dieu merci, j’ai cinq ans d’âge mental, ce qui va peut-être nous aider” lançait-il, malicieux, au public de la Comédie-Française il y a un peu plus lors d’un Grand entretien consacré aux acteurs et disponible sur le net https://youtu.be/F1xn4gqDYZE

Silhouette toujours légèrement voûtée, une voix d’une douceur extrême qui devenait inquiétante lorsqu’il incarnait des personnages plus sombres, Michel Robin fait partie de ces acteurs dont on connaît tous, quel que soit notre âge, son visage tant il nous était familier. Il faut dire que depuis le milieu des années soixante jusque il y a peu, il apparaissait bien aussi bien sur le petit et le grand écran qu’au théâtre.
Acteur discret, sensible, il passait d’un médium à l’autre sans hésitation mais avec le même enthousiasme et professionnalisme. Né à Reims en 1930, Michel Robin s’inscrit aux cours Charles Dullin et intègre très vite la troupe de Planchon. Il jouera Molière, Shakespeare, Gogol, Brecht au théâtre de la Cité de Villeurbanne (qui deviendra le TNP). En 1964, il joue dans La vie imaginaire de l’éboueur Augusto G. d’Armand Gatti, mis en scène par Jacques Rosner. Il sera dirigé par Gabriel Garran au théâtre de la Commune d’Aubervilliers; intégrera la troupe Renaud-Barrault et excellera dans le répertoire de Beckett. Il jouera sous la direction de Claude Régy, Roger Blin, Sacha Pitoëff, Pierre Debauche, Guy Rétoré, Lucian Pintille, Marcel Maréchal, Alain Françon, Jean-Pierre Vincent ou tout dernièrement, en 2014, sous celle de Denis Podalydès dans Les méfaits du tabac. Il recevra le Molière du meilleur second rôle en 1990 pour La Traversée de l’hiver de Yasmina Reza.
Entre-temps, il aura rejoint la troupe de la Comédie-Française en 1994 dont il sera le 495ème sociétaire de janvier 1997 à décembre 2010. Il sera un Bourgeois gentilhomme mémorable, piquera des fous rires, dans des souvenirs lointains, dans Le Révizor face à un Roland Bertin joyeusement excessif.
Au cinéma, il passe de William Klein (Qui êtes-vous Polly Magoo ? en 1966) à Rappeneau, Oury, Doillon, Veber, Zulawski, Costa-Gavras, Jeunet, Chabrol, Jacquot ou Resnais. Toujours des seconds rôles, mais toujours remarqué par son jeu, sobre, son visage, son regard, son sourire, cette façon de détacher les mots.
On pourrait dire la même chose pour la télévision tant ses apparitions sont multiples. Du milieu des années soixante jusqu’à 2015, son nom sera au générique de nombreux feuilletons, les uns plus populaires que les autres (Ubu enchaîné d’Averty ; La Porteuse de pain de Marcel Camus ; Ardéchois cœur fidèle de Jean Cosmos; Le Grand inquisiteur de Raoul Sangla ou un Meurtres à, celui de Collioure, où il incarne le personnage d’un vieux Républicain espagnol d’une grande ambiguïté).
Une carrière prolixe, impressionnante, Michel Robin était un acteur d’une très grande discrétion. Il nous quitte sans bruit, victime de ce virus qui, décidément, n’épargne personne.

Marie-José Sirach - L’Humanité / humanite.fr

 

© Christophe Raynaud de Lage

Dramaturge, comédien et réalisateur, Israël Horovitz est parti. Auteur de Trois semaines après le paradis ou de Très chère Mathilde, il est l’un des auteurs américains les plus joués en France. Lui qui espérait finir ses jours dans notre beau pays, pour lequel il avait une affection particulière, a tiré sa révérence au cœur de la Grande Pomme.

A 81 ans, Israël Horovitz avait plus de 70 pièces à son actif, dont une grande partie ont été traduites dans plus d’une trentaine de langues. Loin des projecteurs, mais toujours avec la même exigence, il a su imposer son style réaliste, son écriture au scalpel, sa verve concise, implacable. Jamais à l’arrêt, toujours en mouvement, il questionne le monde, ses dérives. Le ton acéré, il croque avec malice et sans complaisance notre société, pour mieux nous obliger à réfléchir.

Un auteur en herbe prometteur

Né en 1939 à Wakefields dans une famille juive, rien ne prédestinait Israël Horovitz, fils de chauffeur routier violent, à devenir un auteur prolifique. Les disputes incessantes de ses parents, les crises permanentes, ont forgé son caractère lucide, sa manière unique – acide, caustique et humaine - d’observer tout ce qui l’entoure. S’enfermant dans son univers pour mieux s’évader, il écrit son premier roman à 13 ans, sa première pièce -The Comeback - à 17 ans, qu’il met en scène à Boston. Les années filent. Il quitte les États-Unis pour Londres, ou à 23 ans il intègre la Royal Academy of Dramatic, puis à 27 ans la Royal Shakespeare Company.

Retour aux USA

En 1966, un an plus tard, riche d’une expérience unique, il quitte la Blanche Albion pour revenir sur la terre de son enfance. En six mois, il produit pas moins de quatre pièces, dont L’Indien cherche le Bronx avec Al Pacino, tout juste sorti d’Actor Studio. C’est le début d’une série de succès retentissants. De  Le Premier, son œuvre la plus connue et la plus jouée dans le monde, à Sucre d’orge, en passant par Clair-Obscur, il allie à son écriture un talent de découvreur. Ainsi, il met en scène Richard Dreyfuss, Diane Keaton, Gérard Depardieu et Jane Birkin.

Un réalisme teinté d’absurde

Plume concise autant qu’incisive, Israël Horovitz affirme au fil des pièces et des ans un style unique où réalisme et absurdité se conjuguent parfaitement. Star du Off-Broadway aux États-Unis, il devient en France le chouchou des théâtres privés - en 2009 Line Renaud incarne au Théâtre Marigny sa Très chère Mathilde. Très proche de ses pères spirituels, Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Edward Albee et Arthur Miller, il brocarde avec virtuosité et ingéniosité les travers de la société américaine, à son sexisme, son goût prononcé pour la concurrence exacerbée. Observateur de son époque, sentimental, il sait donner à ses mots, une force, une puissance qui touche et attrape.

L’ombre de l’affaire Weinstein

Homme de l’ombre, bien que dramaturge reconnu des théâtreux, des deux côtés de l’atlantique, Israël Horovitz n’échappe au mouvement #metoo. Rattrapé par des accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles, il se retranche, s’éloigne des sunlights. Dénonçant dans ses pièces l’injustice, il préfère se mettre en retrait. Après avoir abordé les catastrophes du monde contemporain, la Shoah, le 11 septembre - Trois semaines après le paradis et Après le Paradis, deux monologues créés en première mondiale en France par le duo Daniel San Pedro et Ladislas Chollat - , il continue à écrire, à disséquer le monde, les comportements humains, mais à distance, s’exposant le moins possible à la vindicte populaire.

La France en point de mire

Pris dans la tourmente, il avait confié en 2017 à notre consœur Eve Beauvallet, journaliste à Libération, « C’est en France que je finirai mes jours, j’en suis convaincu. Je me sens parmi les miens là-bas » Affaibli, fatigué, le sort en a décidé autrement. C’est aux États-Unis, qu’il vient de rendre son dernier souffle.

Olivier Frégaville-Gratian D’Amore - L'Œil d'Olivier

Ancien administrateur de la Comédie-Française, ayant dirigé le TNS, mais aussi le théâtre de Nanterre-Amandiers, Jean-Pierre Vincent nous a quitté dans la nuit de mercredi à jeudi. Âgé de 78 ans, ce proche de Chéreau a succombé aux séquelles du Coronavirus qu’il avait contracté au printemps. 

 

Discret depuis qu’il avait mis en scène, au festival d’Avignon, il y a deux ans, les élèves de l’école du Théâtre national de Strasbourg, dans la trilogie tragique d’Eschyle, l’Orestie, l’homme de théâtre préparait sa prochaine création, Antigone de Sophocle. Jamais à l’arrêt, toujours interrogeant son métier, sa pratique, il cherchait dans les classiques – Dom Juan ou le Festin de Pierre de Molière au Français en 2012 ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais en 1987, doublement couronné des Molières du metteur en scène et du spectacle et du Grand prix de la Critique - comme dans les inédits – notamment avec Capitaine Schelle, Capitaine Eçço de Rezvani, dont l’adaptation lui valut en 1972, le prix du Syndicat de la Critique de la meilleure création en langue française - , à en souligner la richesse textuelle, à les ancrer dans le présent.

 

Une vie consacrée au Théâtre Public

Né en août 1942 à Juvisy-sur-Orge, c’est en 1958 au Lycée Louis-le-Grand, que Jean-Pierre Vincent commence à s’intéresser à ce qui deviendra sa passion, son sacerdoce, son essentiel. Il participe activement à un groupe théâtral, qui compte parmi ses membres les plus imminents, Jérôme Deschamps et Patrice Chéreau. La rencontre est un coup de foudre amical et fondateur. Ensemble, ils s’engagent pour un autre théâtre, plus politique, plus engagé, moins poussiéreux, moins ronronnant. Reprenant le credo de Jean Vilar, ils militent pour que cet art vivant reste populaire, c’est-à-dire destiné à une multiplicité de publics, allant des néophytes aux théâtreux les plus acharnés. Très vite, c’est l’heure de fouler pour la première fois les planches dans Amal et la lettre du roi de Rabindranath Tagore, puis de s’essayer un an plus tard, à sa première mise en scène avec La Cruche cassée de Kleist. Remarqué, proche du réalisateur de la Reine Margot, il co-anime avec lui la troupe qui tend à se professionnaliser, et logiquement le suit à Gennevilliers puis à Sartrouville.

 

La lutte des classes au cœur de son travail 

Défendant, vent debout, le modèle du théâtre public à la française, de plus en plus menacé par des coupes budgétaires, une profusion des productions et des temps d’exploitation réduits à peau de chagrin, il a toujours clamé haut et fort le rôle essentiel de l’art vivant dans la construction de nos démocraties, de nos sociétés. Perclus de dette, Chéreau à 23 ans s’est cassé les dents à Sartrouville, il quitte le combat, un peu désespéré. Toujours en quête de nouvelles expériences, toujours rêvant d’un théâtre populaire, à l’instar de Roger Planchon, Jean-Pierre Vincent continue la lutte mais cette fois accompagné du dramaturge Jean Jourdheuil, qu’il rencontre en 1968. Allant d’un centre dramatique national à l’autre, ils prêchent ensemble la bonne parole et revisitent les œuvres du répertoire de Brecht à Labiche, en passant par Goldoni avec le souci d’y mettre en exergue les implications historiques, politiques, sociales et philosophique des textes. Cette riche collaboration leur vaut une belle reconnaissance publique et critique. En 1975, le metteur en scène est nommé directeur du TNS. Ce sera la fin d’une fructueuse et riche collaboration. Jourdheuil reste réfractaire à toute forme d’institution, à tout enfermement.

 

Un visionnaire

A l’avant-garde d’un théâtre véritablement démocratisé, Jean-Pierre Vincent lance le hors les murs. Vivant, l’art dramatique doit pouvoir se jouer partout. Il ne ménage pas sa peine pour faire du théâtre un lieu ouvert. En 1982, il est investi par François Mitterrand au poste d’administrateur du Français, où il n’aura de cesse de sortir la maison de Molière de sa routine, faisant rentrer au répertoire des auteurs contemporains, des metteurs en scène révolutionnaires pour l’époque Claude Régy ou Georges Lavaudant. Des choix, des prises de positions qui divisent la troupe. Le conservatisme l’emporte. Il claque la porte en 1986, jurant qu’on ne le rependra plus. Avec un certain plaisir il retrouve sa liberté de metteur en scène indépendant. Quatre ans plus tard, Chéreau lui propose de prendre sa suite aux Amandiers à Nanterre. Jean-Pierre Vincent se fait un peu prier, mais accepte. Il restera dix ans à la tête de cette institution, et permettra ainsi à de jeunes comédiens de faire leurs armes et de tracer leur voie vers des sommets. C’est le cas notamment de Denis Podalydès, d’Emmanuelle Béart ou d’Eric Elmosnino.

 

Studio Libre, une nouvelle aventure

En 2001, le metteur en scène vogue vers de nouveaux horizons. Il fonde avec le dramaturge Bernard Chartreux, sa compagnie et continue à jouer l’alternance entre pièces du répertoire et textes contemporains. Remettant sur le métier toujours son ouvrage, à chaque création, il peaufine son art, le rend de plus en plus ciselé, intense. Revisitant En attendant Godot de Beckett en 2015, puis George Dandin de Molière en 2018, avec le souci de les faire résonner avec l’actualité, drame écologique pour l’un, guerre des sexes pour l’autre, il questionne encore et toujours le monde d’aujourd’hui à travers des œuvres intemporelles.

 

Devenu un classique malgré lui, Jean-Pierre Vincent n’avait pas fini de nous étonner, de nous captiver, de nous secouer. Le covid en a décidé autrement, après plusieurs AVC, cette figure tutélaire de l’art dramatique s’en est allé rejoindre au paradis des artistes, son ami Chéreau. Depuis maintenant 7 ans séparés, suite à la mort du réalisateur en octobre 2013, leurs retrouvailles devraient consolées, un monde du théâtre devenu orphelin.

 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore - LŒil d'Olivier

crédit photo © Jean-Louis Fernandez - avec son aimable autorisation