Lettre ouverte des théâtres genevois : Clic, clic, clic, l’heure de la presse culturelle a sonné

État des lieux de la presse culturelle: la culture du clic
Face à la disparition programmée de la presse régionale et nationale de service public, nous, institutions théâtrales genevoises et organisations professionnelles des domaines du théâtre et de la danse, nous mobilisons pour exprimer notre inquiétude et notre consternation vis-à-vis de l’agenda de démantèlement du journalisme culturel. L’accès à la culture est un droit fondamental et l’affaiblissement des relais d’une information indépendante et critique est grave.
Le cœur de l’activité de nos institutions consiste à programmer des artistes et construire des ponts entre leurs créations et les publics. Pour soutenir, valoriser et transmettre cette importante mission, il est primordial d’avoir une presse régionale et nationale de service public forte qui connaisse les institutions, ses acteur·ices et le territoire qu’ils·elles occupent. Depuis plusieurs années, nous sommes choqué·es
d’assister aux nouvelles politiques de rentabilité qui guident les choix éditoriaux et stratégiques en vigueur dans la majorité des médias régionaux et nationaux.
La pensée unique qui régit ce nouvel agenda économique – sous couvert du développement digital des médias et des nouvelles pratiques de l’audience – n’est autre que le démantèlement d’une pensée plurielle et démocratique.

Citons des faits:
Tamedia ferme deux imprimeries et procède à des licenciements sans précédent.
“C’est une journée noire pour la presse suisse», 24 Heures, 27.08.24
Suppressions de postes et mesures d’économie à la RTS.
“55 équivalents temps plein seront supprimés en 2025 à la RTS”, Le Temps, 12.09.24
Plus de 170 personnalités ont publié une tribune qui appelle au maintien d’une presse régionale forte, indépendante, multiple et impliquée.
“Des personnalités appellent Tamedia à renoncer aux licenciements”, 24 Heures, 20.09.24
Grande restructuration et nouvelle stratégie éditoriale avec fusion des rédactions.
“Tamedia se séparera finalement de 17 employés dans ses rédactions”, RTS, 22.10.24
L’audiovisuel public est menacé autour de la question de la redevance par une initiative déposée par l’UDC, l’USAM (Union suisse des arts et métiers) et les jeunes PLR intitulée "200 francs ça suffit".
“La redevance radio-TV à 200 francs? Ce serait extrêmement brutal!”, Le Temps, 22.10.24
Récemment, Le Courrier a lancé un appel à signatures pour la survie de la presse locale et pour éviter “un désert journalistique”. “Inquiet pour l'avenir de la presse, Le Courrier souhaite des mesures”, 11.11.24 L’éditeur renouvelle sa direction en Suisse romande, les rédacteurs en chef de la Tribune de Genève et de 24 heures sont sur le départ. “Tamedia fusionne ses rédactions”, Le Courrier, 14.11.24 La SSR annonce la suppression de 1000 emplois d’ici à 2029. “La SSR confirme qu'elle va devoir supprimer un millier d'emplois d'ici 2029”, RTS, 21.11.24
À la rubrique culturelle de la Tribune de Genève, sur 8 journalistes, il n’en reste qu’un. “Katya Berger, ciel de traîne”, Le Courrier, 26.12.24
Chez Tamedia, c’est la politique du clic qui décide de tout. Les critiques de spectacles, pourtant si précieuses pour l’écosystème culturel, n’obtiennent pas suffisamment de clics pour être considérées.
“Médias: quand le capitalisme prédateur menace la démocratie”, Le Temps, 09.01.25

De la nécessité d’une presse culturelle
Continuons de clamer haut et fort l’importance d’une presse culturelle critique, professionnelle et spécialisée, à la fois pour les publics, les artistes, les institutions, ainsi que pour la santé de la démocratie. Les médias, les acteurs·ices culturel·les ainsi que les publics forment ensemble un cercle vertueux permettant de concevoir des visions plurielles de la société. Lorsqu’un maillon de cette chaîne manque, c’est tout l’écosystème qui est en péril.
Une présence dans les médias est un besoin vital pour diffuser la culture au-delà des frontières du lieu de monstration et pour inscrire les pratiques dans un espace collectif. Le travail des journalistes culturel·les consiste non seulement à couvrir l’actualité artistique mais aussi à construire un discours essentiel au milieu culturel et à la garantie de son accès. Ce travail journalistique représente aussi l’archive d’une époque, un regard sur le monde à un instant T.

Si nous ne disposons pas d’un levier économique suffisant qui permette de contrer
ce mouvement en marche, nous pensons essentiel et urgent de nous rassembler et
d’alerter – au nom d’un esprit critique – des dangers qui menacent notre avenir
d’artistes, de journalistes, de travailleur·euses culturel·les, de (télé)spectateur·ices,
d’auteur·ices, de lecteur·ices, et surtout, de citoyen·nes.


L’Abri, Théâtre des Amis, Théâtre Am Stram Gram, La Bâtie-Festival de Genève, Théâtre de
Carouge, Comédie de Genève, Théâtre du Crève-cœur, Théâtre le douze dix-huit, Théâtre
du Galpon, Scènes du Grütli, Théâtre du Loup, Maison Saint-Gervais Genève, Théâtre des
Marionnettes, Meyrin Culture, Théâtre de l’Orangerie, Théâtre de la Parfumerie, Pavillon
ADC, POCHE /GVE, Théâtricul, Théâtre de l’Usine, Festival Antigel, Festival Les Créatives,
Rencontres professionnelles de Danses Genève (RP Danses), TIGRE faîtière genevoise
des producteur·rice·x·s de théâtre indépendant et professionnel.

Pour toute information, veuillez-vous adresser à Géraldine Bally qui rassemblera les demandes. g.bally@saintgervais.ch

AICT – Proposition de stage pour jeunes critiques de théâtre au Bangkok International Performing Arts Meeting (BIPAM)