Philippe Tesson, une plume bien trempée

Journaliste, fondateur du Quotidien de Paris, il a écrit dans Combat. Polémiste d’envergure, certains de ses propos choc et cash suscitaient la polémique. Il était un passionné de théâtre.

Philippe Tesson est né en 1928 à Wassigny, dans l’Aisne. Il sera marqué par la guerre. Son père est prisonnier des Allemands et la maison familiale réquisitionnée par l’occupant. Il monte à Paris pour suivre des études d’histoire et de philosophie mais, très vite, il se tourne vers le journalisme. A trente ans, il devient le rédacteur en chef de Combat, poste qu’il occupera jusqu’en 1974. Lorsqu’il quitte la rédaction de ce titre historique, il emmène dans son sillage une bonne partie de la rédaction qui le suit au Quotidien de Paris qu’il fonde cette même année. Eric Emptaz, Bernard Chapuis ou Jean-Dominique Bauby font partie de cette jeune rédaction. Le Quotidien devient une entreprise de presse florissante, qui édite le Quotidien du médecin et le Quotidien du pharmacien. L’aventure va durer vingt ans. Philippe Tesson ne s’en tient pas là. Il est aussi directeur des Nouvelles littéraires (du 1975 à 1983). 

C’était un journaliste “old school”, un type de droite qui s’assumait parfaitement, avec l’allure d’un dandy façon « hussards », à la plume affûtée. Il n’hésitait pas à jouer de la provocation, quitte à se faire des ennemis. Ses apparitions télévisuelles et ses propos polémiques ne laissaient personne indifférent. Il aimait ça, mordre le trait jusqu’à l'outrance. Ses saillies alimentaient débats et controverses. La télévision, qui raffolait de son côté provocateur, voire réac, a participé à sa popularité. De 1994 à 2012, il apparaît dans de nombreuses émissions. On a pu le voir le voit Ah ! Quels titres sur France 3, Rive droite/ Rive gauche sur Paris première, Esprits libres sur France 2, ça balance à Paris sur Paris Première et dans Une Comédie française sur France 24. Juste après les attentats de Charlie en janvier 2015, ses propos sur les musulmans ont suscité l’indignation générale. S’exprimant sur Europe 1, il avait déclaré : “ le problème actuellement, c'est les musulmans qui mettent en cause la laïcité. C'est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd'hui ? Il faut le dire, quoi! ”. Visé par une plainte, il tentera de s’expliquer quelques jours plus tard, dans le Parisien : « Lorsque j'évoque les musulmans, je ne parle pas de l'ensemble de la communauté musulmane, j'utilise un terme générique, et je pense que tout le monde a compris. (…) Je comprends que cela ait pu en blesser certains, je le regrette mais j'ai toujours dit les choses de manière très crue ». Philippe Tesson s’était pris pour Voltaire. Mal lui en prit cette fois-là. 

On ne peut l’évoquer sans parler de son immense passion pour le théâtre. Il fût un grand critique, intervenant au Masque et la plume, au Canard enchaîné, au Figaro ou au Point. En 2001, il rachète les éditions de l’Avant-scène, qui publient des pièces de théâtre et, en 2010, le Poche-Montparnasse. Il en confie les rênes à sa fille Stéphanie, sœur cadette de l’écrivain Sylvain Tesson. Elle fait, de ce petit théâtre, une des salles les plus intéressantes des théâtres privés parisiens. Il était membre du Syndicat de la critique dramatique. Il y a peu encore, on pouvait le croiser au théâtre. C’était un homme de talent, cultivé. Il a pu agacer, et même irriter, mais on ne pouvait pas le détester.  

Marie-José Sirach, journaliste à l'Humanité, vice-présidente Théâtre du Syndicat de la critique

[Communiqué] Syndicat professionnel de la critique de théâtre de musique et danse Mort du spécialiste du théâtre Georges Banu