TEMOIGNAGES BOURSIERS 2023 – FESTIVAL D’AVIGNON THEATRE ET DANSE

MATHIS GROSOS, journaliste responsable des podcasts chez Madmoizelle. Dramathis

2023, Tiago Rodrigues fait ses premiers pas en tant que directeur du Festival d'Avignon. Loin de mobiliser le même engouement, je fais moi-même une entrée fracassante dans cette fournaise où artistes et festivaliers se bousculent chaque année. C'est mon premier festival. C'est aussi mon premier mois en indépendant. Une semaine avant le Festival, j'ai quitté mon poste de Responsable des podcasts chez Madmoizelle. Dramathis, le programme que j'y ai lancé, aura sa saison 2 sauf que cette fois, je me chargerai seul de la produire. J'ai pensé ce podcast pour les gens qui aiment le théâtre (même celles et ceux qui ne le savent pas encore). Avec ce que défend Tiago Rodrigues, je pense alors qu'il me suffira de tendre le micro pour réconcilier mon auditoire avec le spectacle vivant.
Il faut dire qu'avec le soutien financier et logistique du Syndicat Professionnel de la Critique, travailler sur Dramathis n'aura jamais été aussi facile. J'entends complexifier le podcast pour cette saison 2 en ajoutant aux critiques quinzomadaires un épisode mensuel "L'heure du thé" où j'analyse des problématiques qui traversent le (tout petit) monde du spectacle vivant. Le podcast a donc pu devenir la caisse de résonance des temps forts du festival : les controverses aux sous-tons classistes autour de « Welfare » de Julie Deliquet, l'onde de choc qu'a été « A noiva e o a boa noite Cinderela », la parenthèse engagée de « Dispak Dispac'h » et le très subtil détournement de l'hyperréalisme d'Alexander Zeldin avec « The Confessions ». 
Toutes mes expériences de théâtre et de danse sur place ont également nourri un épisode plus long sur le Festival. J'ai majoritairement été voir les pièces du Festival alors même que chaque jour de nombreux spectacles du OFF ont rejoint une longue liste sur mon téléphone. En découvrant l'univers du off, son écosystème mais aussi son économie, il m'a semblé qu'une réflexion devait être faite sur les modèles de ces deux voisins qui se partagent la ville (et parfois même son public). Comme j'ai toujours le souci d'intégrer la réception du public dans mes critiques, c'est justement de la perception du Festival que je suis parti avec ce titre gentiment provocateur
: Festival d'Avignon, un truc de gros snobs ? Si la question est fermée, mon avis est évidemment loin d'être tranché. L'idée ? Superposer les initiatives socio-culturelles du Festival, ses discours, sa réputation, son histoire pour esquisser une réponse, toujours avec humour, toujours en podcast.
D'Avignon, je retiens évidemment les lieux. Lieux qui conditionnent largement les spectacles qu'ils reçoivent, ici plus qu'ailleurs. D'Avignon, je retiens la fièvre. L'énergie du Festival reste et se transforme de jour en jour. Vivre pleinement le Festival, c'est vivre un décalage horaire. Travailler la nuit et rêver le jour. Traîner le matin et courir le soir. D'Avignon, je retiens enfin les rencontres, à commencer par celles qu'il m'a été permis de faire grâce au Syndicat. Les conversations critiques m'ont fait grandir, elles sont venues nuancer mes certitudes et aiguiser la radicalité de certaines de mes opinions. 
Je me réjouis aussi de voir le théâtre poussé dans ses retranchements, porté sur le banc des accusés dans un contexte de visibilisation des violences policières et dans lequel la rigidité du pouvoir politique face aux contestations sociales a été exposée. C'est parce que je suis amoureux du spectacle vivant que je cultive pour les artistes une telle exigence. Un spectacle programmé est toujours un choix. Un projet au détriment d'un autre. Une voix et une vision dans la lumière quand d'autres restent dans l'ombre. C'est là que le Syndicat Professionnel de la Critique me semble plus nécessaire que jamais et que je suis extrêmement honoré qu'un projet comme le mien, d'apparence aussi léger et pourtant chargé politiquement, y soit soutenu.
Il me tarde de revenir au Festival. Les enjeux ne seront ni tout à fait identiques, ni tout à fait différents. Mais sûrement peut-on compter sur les programmations pour imposer des sujets comme celle de Tiago Rodrigues a pu le faire cette année. Nous, journalistes, nous ferons un plaisir de nous en emparer. Podcasts et vidéos à l'appui, Dramathis sera de la partie !

Le lien des podcasts Dramathis publiés sur les spectacles du festival : 
Dramathis S2E1 — Est-ce que détester Welfare, c'est de droite ?
Dramathis S2E2 — Pourquoi « A noiva e o boa noite Cinderela » met mal à l'aise
Dramathis S2E3 — Comment Alexander Zeldin balance sa mère dans le décor de « The Confessions »
Dramathis S2E4 — Pourquoi « Dispak Dispac'h » se passe de personnage pour parler de politiques migratoires
L'heure du thé S2E2 — Festival d'Avignon, un truc de gros snobs ?

Quelques critiques vidéos sur mon compte instagram et Tik Tok : 

-Dans la mesure de l'impossible : Des fois, c'est bien quand on voit les grosses ficelles
-Néandertal : Sexe, science, conflit israélo-palestinien
-All of it : La meilleure performance du festival d'Avignon ?
-Truth's a dog must to kennel : Tell, don't show
-Le beau monde : Les historiens du futur seront incompétents (tant mieux, c'est drôle)
-Paysages partagés : Des pièces contre-naturanh
-L'addition : Deux comédiens qui ont de la bouteille
-Inventions : Oui, je pleure quand des gens coupent du bois
-Portrait de l'artiste en ermite ornemental : Un spectacle pour enfiler des perles
-Ecrire sa vie : Adapter Virginia Woolf sans faire de vagues
-Le jardin des délices : Du Quentin Dupieux au théâtre ?
-Exit above : La danse comme un jeu
-G.R.O.O.V.E. : une histoire populaire de la danse


JONATHAN CHANSON, journaliste à ResMusica

Du jeudi 13 au jeudi 20 juillet, j’ai passé une semaine à Avignon, immergé dans son ambiance festive et son bouillonnement joyeux, tant intellectuel qu’allègre. J’ai vu un peu plus d’une dizaine de spectacles et écrit cinq articles. D’Anne Teresa de Keersmaeker à la sélection taïwanaise en passant par Olivier Dubois, les propositions se sont succédées, sans apparent fil directeur, si ce n’est une énergie vitale, une envie de dire plus fort l’urgence du mouvement.
Ce séjour, permis par la bourse du Syndicat de la critique, fut l’occasion, nouvelle pour moi, d’assister à tant de spectacles en un temps si court et d’écrire tous les jours des articles pour ResMusica, grâce à qui j’ai pu obtenir la bourse. Ce rythme effréné demandait une bonne organisation et appelait à écrire un peu partout : en attendant le prochain spectacle, dans un fauteuil ou une file d’attente, dans un des innombrables cafés où l’on vient vous vanter les charmes de tel one man show ou pièce bouleversante. Écrire partout, sans cesse, et s’abreuver de danse jusqu’à ce sommet que fut pour moi le spectacle de Trajal Harrell dans la cour d’honneur. Cette féerie du lieu, associée à la magnificence de la chorégraphie, a clos cette parenthèse enchanteresse passée au milieu des artistes et des cigales.
Croiser d’autres critiques, discuter avec eux de désaccords de forme ou de fond, discuter lors de la conversation critique avec de beaux esprits, toute cette ébullition au service de la danse, de sa compréhension, de sa lecture, m’a enthousiasmé. De cette soirée étoilée au cloître de Villeneuve-lès-Avignon en compagnie de la sélection suisse à la foule de la place de l’horloge, que je traverse pour me rendre à la Scala, le festival offre une carte géographique semblable à une carte du tendre, où les souvenirs s’accumulent, où les sensibilités s’affinent, au rythme des rencontres et des chemins de lauriers. Ces trajets empruntés, ces personnes rencontrées, ces spectacles étonnants et réjouissants, cet impératif de critique, vivifiant et exigeant, restent en moi comme cette lumière sur le Palais des papes, que je contemplais en me rendant à Avignon depuis le pont Édouard Daladier : une douceur mêlée d’éclat.


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