Mort de François Tanguy, le théâtre du Radeau orphelin

Dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 novembre 2022, le metteur en scène manceau a tiré sa révérence. En tournée avec son dernier spectacle Par Autan, qui devait poser ses valise ce jeudi au T2G, cette figure de proue du théâtre contemporain français laisse derrière lui une œuvre audacieuse, onirique et terriblement singulière.

Le monde du théâtre ne sera plus pareil. Un peu de sa poésie, de son lyrisme, s’en est allé ce matin. Malade depuis plusieurs mois, le metteur en scène, né à Caen en 1958, est décédé cette nuit au Mans. Indissociable de cette ville, dans laquelle a été fondé en 1977 le Théâtre du Radeau, et dont il était devenu le metteur en scène en 1982, l’artiste tourmenté était de santé fragile. Hospitalisé, il y a quelques jours, il a continué à se battre jusqu’au bout, espérant assister à Gennevilliers, à la première de Par Autan, sa toute dernière création. 

Un théâtre d’artisanat

Installé depuis 1985, dans une ancienne succursale automobile qui deviendra La Fonderie en 1992, le théâtre du Radeau cultive depuis plus de quarante ans une singularité, loin des modes théâtrales. Ici pas de technologies, pas de micros, pas d’effets superfétatoires, juste du théâtre brut fait avec des bouts de ficelles, de planches de bois brut, de panneaux, de portes dont l’agencement ne cesse d’être renouvelé. De la forêt dont on devine les arbres, les clairières et les cimes d’Item, au grenier à l’abandon prenant vie sous nos yeux ébaubis dans SoubresautFrançois Tanguy avait l’obsession du fantasque, du merveilleux, du poétique, du burlesque. Rêvant d’un autre monde, où l’imaginaire serait le principal moteur, le metteur en scène s’amusait à croiser les époques, à convoquer le passé pour mieux dire un autre présent, différent du réel, du quotidien. Dans un décor, fait de bric et de broc, d’objets de récup’ détournés, customisés, l’artiste aimait à esquisser un univers foisonnant, parfois abscons, souvent onirique, toujours envoutant. 

Laboratoire de recherche artistique 

Peu prolifique – un peu moins de vingt créations en 40 ans – , François Tanguy prenait son temps, aimait le travail de recherche préparatoire à la représentation théâtrale. Questionnant en permanence son métier, l’art dramaturgique, poussant les limites du possible, jouant des codes et des règles, il revendiqué un théâtre où il était primordial et essentiel d’« être ensemble ». Bien qu’à la tête du Théâtre du Radeau, il a toujours mis en avant le collectif et l’art de l’improvisation. Toute l’équipe participait aux créations, toutes les étapes étaient le fruit d’une longue démarche commune. 

Une dernière pirouette au pays d’Erato

Bien que fatigué, la santé chancelante, François Tanguy a mis un point d’honneur à terminer Par Autan, un voyage porté par le vent du sud-ouest de la France. Né au large de la mer Méditerranée, ce souffle divin est propice pour la troupe mancelle à nombre facéties et digressions. Créé en juin dernier à Montpellier, à l’automne au Mans, puis présenté au Festival du TNB, fin novembre, le spectacle devait se jouer dès demain au T2G. la faucheuse en aura décidé autrement. En deuil, bien que le show doive continuer, le théâtre du Radeau a souhaité pour l’instant mettre en suspens les représentations. 

Porté vers d’autres cieux, François Tanguy aura marqué le monde du théâtre, bien triste en ce soir gris de décembre.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Le théâtre du Radeau
La Fonderie
2 Rue de la Fonderie
72000 Le Mans

Crédit portrait © Théâtre du Radeau
Crédit photos © Jean-Pierre Estournet

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