Israël Horovitz a disparu

Dramaturge, comédien et réalisateur, Israël Horovitz est parti. Auteur de Trois semaines après le paradis ou de Très chère Mathilde, il est l’un des auteurs américains les plus joués en France. Lui qui espérait finir ses jours dans notre beau pays, pour lequel il avait une affection particulière, a tiré sa révérence au cœur de la Grande Pomme.

A 81 ans, Israël Horovitz avait plus de 70 pièces à son actif, dont une grande partie ont été traduites dans plus d’une trentaine de langues. Loin des projecteurs, mais toujours avec la même exigence, il a su imposer son style réaliste, son écriture au scalpel, sa verve concise, implacable. Jamais à l’arrêt, toujours en mouvement, il questionne le monde, ses dérives. Le ton acéré, il croque avec malice et sans complaisance notre société, pour mieux nous obliger à réfléchir.

Un auteur en herbe prometteur

Né en 1939 à Wakefields dans une famille juive, rien ne prédestinait Israël Horovitz, fils de chauffeur routier violent, à devenir un auteur prolifique. Les disputes incessantes de ses parents, les crises permanentes, ont forgé son caractère lucide, sa manière unique – acide, caustique et humaine - d’observer tout ce qui l’entoure. S’enfermant dans son univers pour mieux s’évader, il écrit son premier roman à 13 ans, sa première pièce -The Comeback - à 17 ans, qu’il met en scène à Boston. Les années filent. Il quitte les États-Unis pour Londres, ou à 23 ans il intègre la Royal Academy of Dramatic, puis à 27 ans la Royal Shakespeare Company.

Retour aux USA

En 1966, un an plus tard, riche d’une expérience unique, il quitte la Blanche Albion pour revenir sur la terre de son enfance. En six mois, il produit pas moins de quatre pièces, dont L’Indien cherche le Bronx avec Al Pacino, tout juste sorti d’Actor Studio. C’est le début d’une série de succès retentissants. De  Le Premier, son œuvre la plus connue et la plus jouée dans le monde, à Sucre d’orge, en passant par Clair-Obscur, il allie à son écriture un talent de découvreur. Ainsi, il met en scène Richard Dreyfuss, Diane Keaton, Gérard Depardieu et Jane Birkin.

Un réalisme teinté d’absurde

Plume concise autant qu’incisive, Israël Horovitz affirme au fil des pièces et des ans un style unique où réalisme et absurdité se conjuguent parfaitement. Star du Off-Broadway aux États-Unis, il devient en France le chouchou des théâtres privés - en 2009 Line Renaud incarne au Théâtre Marigny sa Très chère Mathilde. Très proche de ses pères spirituels, Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Edward Albee et Arthur Miller, il brocarde avec virtuosité et ingéniosité les travers de la société américaine, à son sexisme, son goût prononcé pour la concurrence exacerbée. Observateur de son époque, sentimental, il sait donner à ses mots, une force, une puissance qui touche et attrape.

L’ombre de l’affaire Weinstein

Homme de l’ombre, bien que dramaturge reconnu des théâtreux, des deux côtés de l’atlantique, Israël Horovitz n’échappe au mouvement #metoo. Rattrapé par des accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles, il se retranche, s’éloigne des sunlights. Dénonçant dans ses pièces l’injustice, il préfère se mettre en retrait. Après avoir abordé les catastrophes du monde contemporain, la Shoah, le 11 septembre - Trois semaines après le paradis et Après le Paradis, deux monologues créés en première mondiale en France par le duo Daniel San Pedro et Ladislas Chollat - , il continue à écrire, à disséquer le monde, les comportements humains, mais à distance, s’exposant le moins possible à la vindicte populaire.

La France en point de mire

Pris dans la tourmente, il avait confié en 2017 à notre consœur Eve Beauvallet, journaliste à Libération, « C’est en France que je finirai mes jours, j’en suis convaincu. Je me sens parmi les miens là-bas » Affaibli, fatigué, le sort en a décidé autrement. C’est aux États-Unis, qu’il vient de rendre son dernier souffle.

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