Décès de Micheline Rozan Micheline Rozan est née le 11 septembre 1928 à Paris. 1947. La guerre est finie depuis peu. Des étudiants étrangers arrivent à Paris en très grand nombre. Il faut les aider à trouver un logement, les orienter dans les méandres de la Sorbonne, faire une brèche dans leur isolement. Un dirigeant exceptionnel du CROUS, Jacques Chatagner, confie ces taches à Micheline Rozan. Elle a 19 ans. Ainsi se crée, au 15 rue Soufflot, un petit «bureau d’accueil» qu’elle dirige et anime. Déjà, elle aime le théâtre, le cinéma, le journalisme. Ce sont les thèmes des «sessions culturelles» qu’elle organise au Manoir de Boncourt, à 80 kms de Paris, près d’Anet. Aidée par une poignée d’amis, élèves des Beaux-Arts, elle rend le Manoir hospitalier pour y faire vivre, pendant un week-end entier une trentaine de participants de toutes nationalités. L’atmosphère est chaleureuse, les repas raffinés pour contraster avec l’ordinaire des restaurants universitaires. Elle fait appel, comme conférenciers, à des personnalités de premier plan. Elle n’essuie aucun refus. A une session sur la presse, par exemple, se retrouvent à Boncourt le président Albert Bayet, Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, Claude Bourdet, directeur de l’Observateur et Raymond Manevy, rédacteur en chef de Paris-Presse. Ces rencontres ? Une goutte d’eau si l’on pense au petit nombre d’étudiants concernés – mais aussi une parenthèse heureuse dont les participants gardent le souvenir longtemps après être retournés chez eux. Lors d’une des sessions consacrées au théâtre, Micheline Rozan fait la connaissance de Jean Vilar qui venait de créer le Festival d’Avignon. Lorsqu’il est nommé quelques mois plus tard à la tête du T.N.P., elle fait acte de candidature spontanée. Ainsi entre-t-elle au Théâtre National Populaire, celui de la grande époque : Jean Vilar, un administrateur hors pair Jean Rouvet, une troupe composée de Gérard Philipe, Maria Casarès, Alain Cuny, Monique Chaumette, Silvia, Monfort, Geneviève Page, Georges Wilson, Philippe Noiret, Jean-Pierre Darras, Daniel Sorano, …Trois spectacles par an, représentations à Chaillot et Avignon, tournées dans le monde entier, innovations en tous genres quant à la recherche de nouveaux publics : la création d’avant-premières, «nuits» (spectacle suivi d’un bal), ouvreuses et vestiaires gratuits, etc. En ayant la charge du secrétariat général de 1952 à 1957, elle découvre tous les rouages qui font qu’une entreprise théâtrale se démarque de toutes les autres. Au bout de 5 années - elle a maintenant 29 ans - elle rejoint la plus importante agence française CIMURA, elle-même reliée à la plus importante agence américaine MCA. Là elle représente des acteurs : Jean-Paul Belmondo tout frais émoulu du Conservatoire, Annie Girardot, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Marie Bell, … Auprès d’Albert Camus, elle joue un rôle déterminant dans la création au Théâtre Antoine de son adaptation des Possédés de Dostoïevski. Le soir de la première, elle reçoit des fleurs de Camus avec un mot : «Les Possédés vous doivent de voir le jour. Sachez que je ne l’oublierai pas. Votre ami A.C.». Avec lui, elle devait mettre sur pieds un projet cher à son cœur : un théâtre d’auteurs contemporains. L’élan fut coupé par la mort tragique de Camus le 4 janvier 1960. Pendant le temps de CIMURA, d’autres spectacles sont à mettre au crédit de Micheline Rozan : Cher Menteur, où Maria Casarès et Pierre Brasseur triomphent à l’Athénée, Vu du Pont, avec Raf Vallone, qui triomphe à Antoine. C’est à cette occasion, en 1956, qu’elle fait la connaissance de Peter Brook avec lequel se nouent des liens qui ne se sont jamais dénoués. MCA lui offre des missions à New-York et des stages à Hollywood au sein même de l’Agence, qui lui permettent de voir de près le fonctionnement d’une agence qui représente la quasi-totalité du monde du spectacle outre-atlantique. 1963. Micheline Rozan crée sa propre société. Elle produira notamment : La Reine verte de Maurice Béjart, musique de Pierre Henry, avec Maria Casarès et Jean Babilée ; Oh papa, pauvre papa d’Arthur Kopit avec Edwige Feuillère ; Une Histoire immortelle, film d’Orson Welles avec Jeanne Moreau et Orson Welles ; L’Aide-mémoire, première pièce de Jean-Claude Carrière, avec Delphine Seyrig ; Harold et Maude, de Colin Higgins, par la Compagnie Renaud-Barrault. Elle est à l’origine de l’unique venue en France de Lee Strasberg, fondateur de l’Actor’s Studio. En même temps, elle représente Jeanne Moreau lorsque celle-ci tourne sous la direction de Malle, Truffaut, Antonioni, Demy, Brook, Bunnuel, … Lorsqu’en 1970, Peter Brook fait appel à elle pour entreprendre les étapes qui mèneront à la réouverture des Bouffes du Nord, tout ce qu’elle a appris au cours d’une vie déjà bien remplie trouvera naturellement à s’exprimer. Elle codirige les Bouffes du Nord jusqu’en 1997 et revient quelques années plus tard aux côtés de Peter Brook. Ils passeront le relais à Olivier Mantei et Olivier Poubelle en 2010. Une cérémonie aura lieu vendredi 14 septembre à 16h au crématorium du Père Lachaise