Zoom sur…

On dit, je ne l’ai pas vérifié, qu’un des plus sûrs moyens de commettre le crime parfait, c’est de saupoudrer la nourriture de votre invité de moustache de tigre hachée menu. Il paraît que ça perfore mortellement tripes et boyaux. Ce serait radical. Et indétectable, même aux rayons X. La drôlerie de Vinaver est de même nature que les vibrisses de Shere Khan : souveraine et invisible. Ne cherchez pas de mots d’auteur dans Les Voisins, il n’y en a pas. Le comique vient de l’écart entre la situation dramatique et le ton pontifiant des personnages. Grâce à leur terrasse commune, Blason et Laheu se sont rapprochés. Leurs enfants souhaitent se marier ? C’est leur vœu le plus cher. Ils s’adorent. Le jour où ses lingots d’or disparaissent dans la nature, l’idée ne vient pas à Blason d’accuser Laheu ou son fils de les avoir barbotés. Ils sont pourtant les seuls à savoir où il les tenait cachés. Une brouille finit quand même par survenir, Blason et Laheu se traitent de tous les noms, chacun y perd son boulot, mais ils ne peuvent longtemps renoncer à leurs douces habitudes et bientôt trinquent de nouveau à l’amitié sur la fameuse terrasse. On se méfiait de la reprise de cette délectable comédie : le souvenir de la création en 1986 par Raymond Jourdan, Robert Rimbaud, Anouk Grinberg et Charles Berling (beau plateau !) dirigés par Alain Françon est resté si vivace… Mais le spectacle de Marc Paquien est très réussi. Patrick Catalifo, Lionel Abelanski, Alice Berger et Loïc Mobihan interprètent ce vaudeville décalé avec toute la subtilité voulue.
Jacques Nerson

Les Voisins, de Michel Vinaver. Mise en scène : Marc Paquien. Poche-Montparnasse, Paris 6e, 01.45.44.50.21, 21 heures.