Carnet

Notre consœur Monique Barichella, membre du Syndicat de la Critique depuis de nombreuses années, vient de nous quitter subitement. Femme de caractère, passionnée par la voix et le théâtre vivant, dotée d’une mémoire étonnante, elle collaborait notamment avec le mensuel Opéra Magazine. Elle parcourait sans cesse le monde, des États-Unis à l’Angleterre ou à la Russie et fut proche du grand chef d’orchestre Valery Gergiev. Fidèle des principaux festivals musicaux comme Bayreuth et Salzbourg, toujours attentive à découvrir les nouveaux talents, sa plume vive et alerte était connue de tous. Au-delà de l’art lyrique, elle aimait tout particulièrement le théâtre et le cinéma. La naissance l’an dernier de sa première petite fille l’avait emplie de joie. Monique Barichella s’apprêtait à partir pour le Festival d’Aix-en-Provence. Le sort en a décidé autrement ! Elle a rejoint au firmament lyrique l’amie et la cantatrice qu’elle adulait par-dessus tout, Léonie Rysanek disparue il y a quinze ans. 

José Pons, membre du Comité du Syndicat de la Critique

Paul-Louis Mignon, Président d’Honneur de notre Syndicat est mort samedi 16 novembre. Avec lui, c’est un témoin attentif à la politique théâtrale et à ses recherches dramaturgique et scénique de la première moitié du XXe siècle qui disparaît. Disparaît également un de ceux qui, en 1960, avec Georges Lerminier et Renée Saurel rénovèrent le Syndicat de la critique pour en faire un organisme en phase avec la création de son temps et qu’il soit l’outil d’échanges et de réflexion qu’il est aujourd’hui.
Jeune étudiant, membre de la troupe du théâtre amateur de la Sorbonne, Les Théophiliens, il rencontre Charles Dullin qui l’engage comme secrétaire. A ses côtés il fera la connaissance des membres du Cartel, de Jean Vilar, de Jean-Louis Barrault avec qui il se liera d’amitié. Autant de rencontres qui, de son propre aveu, forgeront son amour du théâtre et un engagement professionnel jamais démenti.
En 1944, il a 24 ans, Jean-Paul Sartre le recommande à Albert Camus qui l’engage comme critique au journal Combat. Un peu plus tard, Jean Tardieu l’engage comme responsable de l’information théâtrale à ce qui était alors la Radiodiffusion Française. Un pied à la radio, l’autre à la télévision (1959-1974), il sera un des premiers à faire entrer le grand théâtre dans le petit écran avec la fameuse émission « Les Trois coups » émaillée de reportages et de tribunes critiques. Chef du service culture à France Inter jusqu’en 1985, il n’a cessé d’œuvrer pour rendre présente à l’antenne la création dans toute sa diversité, non seulement du théâtre aussi bien privé que public, mais aussi dans toutes les disciplines. C’est lui, en effet, qui initia en 1974 la création du Prix du livre Inter.
« Si le dialogue naturel de la création théâtrale et l’esprit critique venait à s’interrompre, c’est la création elle-même dans sa fécondité, dans ses bonheurs comme dans ses faiblesses, qui serait menacée » écrivait –il dans l’article « Art dramatique et critique, un siècle de dialogue nécessaire », publié dans les deux derniers numéros de la Lettre du Syndicat (*). Erudit autant qu’engagé, ce dialogue il l’entretenait également à travers de nombreux ouvrages consacrés au théâtre : « Panorama du théâtre au XXe siècle », « Le Théâtre contemporain », ou à ses créateurs : Jean Dasté, Armand Salacrou, Jean-Louis Barrault, Louis Jouvet…
Secrétaire général du Centre Français du Théâtre pendant plusieurs décennies, il fut Président du Syndicat de la critique de 1964 à 1967 et de 1973 à 1976. En tant que Président d’Honneur, son implication sans faille a sans nul doute favorisé le soutien financier octroyé au Syndicat par l’Académie des Beaux-Arts à laquelle il appartenait depuis 1993 et dont il réanima la prestigieuse revue.
Jusqu’à la fin Paul-Louis Mignon aura marqué d’une belle et exigeante empreinte l’art de la critique dramatique.

Dominique Darzacq, membre du Comité du Syndicat de la Critique

(*) L'article "Art dramatique et critique, un siècle de dialogue nécessaire" est consultable dans son intégralité en cliquant ICI.

Le critique musical et historien d'origine britannique installé en France Charles Pitt est décédé à l'âge de 83 ans le 5 janvier 2013 dans l'Ile de Malte où il prenait quelque repos. Il a été incinéré au Père La Chaise à Paris. Il appartenait depuis 1985 au Syndicat professionnel de la critique auquel il participa activement comme membre du comité de 1987 à 1998. Il s'était investi également à l'Académie Charles Cros dont il était devenu sociétaire en 1999 et trésorier depuis une dizaine d'années.

Il était né à Tattenham dans le Surrey le 29 octobre 1931. Après avoir grandi dans son pays natal, il s'était installé en France où il exerça le métier d'antiquaire. Passionné d'opéra, Charles Pitt a été de longues années correspondant de la revue britannique Opéra. En France, il collabora jusqu'à la disparition du titre au mensuel Opéra international pour lequel il suivait notamment l'activité d'institutions lyriques d'Outre-Manche, puis à Opéra Magazine où il a publié encore en décembre 2013 un reportage sur le feu Opéra de Casablanca. Son goût des voyages l'avait amené à s'intéresser aux Opéras "lointains" en Inde, au Vietnam et à l'Ile Maurice. Fin connaisseur de la musique anglaise, il a contribué par ailleurs à mieux la faire apprécier en France lors d'organisations d'expositions.

Yves Bourgade, membre du Comité du Syndicat de la Critique

Jean-Jacques Lerrant est mort, âgé de 89 ans, à Lyon, dans la nuit du 5 au 6 février. Peu de critiques de la presse régionale ont eu cette dimension, cette stature. Journaliste au Progrès (et au Monde pendant quelques années), il accompagna les aventures de Roger Planchon, Marcel Maréchal, Patrice Chéreau, Georges Lavaudant, Bruno Boeglin, Philippe Faure… Il allait jusqu’à Sait-Etienne voir les spectacles de Jean Dasté, puis de Daniel Benoin. Etait-il vraiment un critique ? La méchanceté n’était pas son fort. Dans le témoignage que donne Lyon Capitale, un de ses amis raconte qu’après un spectacle de Planchon qu’il n’avait pas aimé – à l’époque, on remettait la copie le soir même, quelques dizaines de minutes après la représentation -, Lerrant téléphona à son chef de service pour obtenir le report du papier : il reviendrait le lendemain au théâtre pour revoir le spectacle et éventuellement corriger son jugement ! C’était donc plutôt un témoin gourmand, un historien du présent, un connaisseur sur l’immédiat comme sur la durée - pour le théâtre surtout, mais également pour les arts plastiques. Sa notoriété dans le milieu professionnel fut telle qu’on lui proposa d’être, à Paris, inspecteur général du théâtre au ministère de la Culture. Il le fut longtemps puis, l’âge de la retraite venu, il repartit à Lyon, rejoignant son épouse, Bernadette Bost, grande spécialiste du théâtre elle aussi, et continua à suivre l’effervescence théâtrale entre Rhône et Saône. Il voyait régulièrement ceux qui partageaient les mêmes passions que lui à Lyon : René Gachet, les responsables de l’Ensatt, des metteurs en scène comme Gilles Chavassieux. Un drame assombrit ses dernières années : la mort de sa fille, décimée par un cancer à 50 ans.
Sa gentillesse, sa capacité d’attention, sa drôlerie, son amour de l’éternel féminin et une modestie non feinte rendaient sa compagnie recherchée et délicieuse. Il gardait ses souvenirs pour lui, et il fallait aller les lui demander, les cueillir en insistant. C’était pain bénit pour ses jeunes confrères ! Qui, en dehors de lui, (et de quelques grognards devenus invisibles) avait été présent au premier festival d’Avignon, dit “ Semaine d’art dramatique ”, en septembre 1947 ? Lui était là, avec le flair du passionné. Interrogé par Corinne Denailles pour Le Journal du théâtre en 1996, il rappelait ainsi les années héroïques du festival : "Le festival est né dans un contexte historique très particulier ; une incroyable synergie entre l’air du temps, les mentalités, les différents interlocuteurs, a présidé à sa naissance. Vilar, pénétré d’un certain esprit de résistance, était convaincu que la culture était un bien commun, qu’il fallait rendre accessible à tous… Il voulait un théâtre civique et moral qui entre en résonance avec l’actualité sans pour autant détourner les textes. Le plus marquant est la cohérence du propos, la rigueur alliée au plaisir. On a beaucoup raillé sur la magie de nuits étoilées mais c’était véritablement un moment d’émotion ; une communauté disloquée par la guerre se reformait. On éprouvait un sentiment intense de fête, un mélange de mysticisme et de laïcité."
Il emporte avec lui ses sensations des années magiques du théâtre et cette époque révolue de la presse qui se fabrique avec des caractères en plomb et une encre à l’odeur âcre dans la précipitation de la nuit. Regroupera-t-on un jour ses articles ? Dans l’immédiat, des hommages lui sont rendus et le Syndicat de la Critique salue ce compagnon qui fut si bienveillant avec les journalistes des autres générations.

Gilles Costaz, membre du Syndicat de la critique