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Michel Chapuis qui s’est imposé, dès les années 60 du XXème siècle, comme le chef de file de générations d’organistes qui conçoivent l’interprétation comme allant de pair avec une connaissance de la facture d’orgue, est mort le 12 novembre 2017 dans sa ville de naissance, Dole dans le Jura.

Sa réputation comme virtuose de son instrument dépassait les frontières de la France et le pédagogue complet qu’il était, a contribué également à sa notoriété internationale.

En 1981, à la suite de l’interprétation par Michel Chapuis de l’intégrale des «Chorals de Leipzig» de Jean-Sébastien Bach à l’orgue de la cathédrale du Festival de Saint-Bertrand-de-Comminges, notre aîné et confrère du quotidien Le Monde de 1961 à 1990, le critique musical Jacques Lonchampt, écrivait :

«…les notes défilaient comme de bonnes servantes, élégantes, souriantes, pas pressées ; la musique s’offrait, pleinement lisible, dans la clarté de l’exécution certes, mais surtout la limpide exégèse du texte. Aussi contemplatif qu’un Walcha (ndlr. célèbre organiste allemand 1907-1991), Chapuis l’est à la française : un contemplatif primesautier et subtil, servi par l’incomparable scintillement doux, d’une paisible grandeur, de cet orgue lui-même si purement français.»

Il n’y a pas une ligne à ajouter à cette analyse de l’art de Michel Chapuis qui, dès 1970, avait terminé pour la firme Valois une intégrale discographique (transposée sur 14 CD) de l’œuvre pour orgue de Bach, intégrale pour laquelle il avait recherché en Europe les instruments appropriés à chaque œuvre. Il devait également gravé une intégrale qui fit date, consacrée à un autre compositeur baroque allemand Dietrich Buxtehude.

La musique française des XVIIème et XVIIIème siècles était aussi sa terre d’élection . Son approche musicologique, son jeu nouveau avec la pratique des fameuses notes inégales et son ornementation expressive, contribuèrent largement à l’épanouissement du retour à la musique baroque et à la sortie de l’oubli de nombre de compositeurs, en tête les Français de cette période, de Titelouze aux Couperin en passant par Grigny, Marchand, Gervais, Balbastre etc.

En matière d’orgue il était intéressé par les factures de toutes les époques. Cette connaissance «de l’intérieur » de l’instrument qu’il touchait, acquise très tôt lors d’un stage de deux ans chez un facteur, en fit en France un expert écouté notamment de la section consacrée aux orgues de la Commission supérieure des monuments historiques. Il ne craignait pas de parcourir des kilomètres parfois à vélo pour faire connaissance avec un orgue dont on lui avait vanté l’originalité et parfois qu’il fallait sauver du dépeçage.

Né en 1930, dès l’âge de 9 ans, Michel Chapuis fut familier de l’instrument-roi en jouant le dimanche sur le grand orgue de la cathédrale de Dole.

Après la deuxième guerre mondiale, il suivit à Paris les cours de l’École César Franck (1947-1950), passa un an au Conservatoire national supérieur de musique (CNSM) dans la classe d’orgue de Marcel Dupré dont il sortit en 1951 avec un prix d’interprétation et d’improvisation.

Dès 1949, il était organiste à Paris à Saint-Germain-des-Près et en 1951, il avait la tribune de Saint-Germain-l’Auxerrois . Ensuite, il fut titulaire de l’orgue Clicquot de Saint-Nicolas-des-Champs (1954-1970), de l’orgue de chœur de Notre-Dame de Paris (1954-1963 et de l’orgue de Saint-Séverin avec deux autres co-titulaires (1964 à 2004).

Improvisateur inspiré (une particularité de l’école d’orgue française) , il aimait en effet accompagner de façon vivante les cérémonies religieuses.

En 1995, lui fut confiée jusqu’en 2010 par le Centre de musique baroque de Versailles, la tribune de la chapelle du château de Versailles où a été installé un orgue de style baroque français construit selon les plans du facteur Clicquot.

L’enseignement a occupé par ailleurs une grande place dans les activités de Michel Chapuis, soit dans les académies d’été, en France notamment à l’Abbaye de Saint-Maximin et à Saint-Bertrand de Comminges, soit dans les conservatoires successivement à Strasbourg, Besançon et Paris au CNSM, où il fut détenteur d’une classe d’orgue de 1956 à 1996.

Plusieurs générations d’organistes, aujourd’hui virtuoses reconnus et titulaires d’importantes tribunes, suivirent son enseignement. On peut citer François-Henri Houbart, Yves Castagnet , Michel Bouvard, Vincent Warnier, Thierry Escaich , Eric Lebrun.

On est quelque peu surpris que la disparition de Michel Chapuis n’ait suscité aucune réaction officielle du Ministère de la Culture. C’est vraiment méconnaître combien la France comptait avec ce musicien une figure illustre et exemplaire...

Yves Bourgade

Hébergé depuis 1925 à la Bibliothèque de l’Arsenal, le Département des Arts du Spectacle de la Bibliothèque Nationale de France, créé officiellement en 1976, vient de s’installer rue de Richelieu dans une partie des locaux de la BNF rénovée. Précédée de la Rotonde des Arts du Spectacle qui propose en accès libre une exposition permanente d’une cinquantaine d’œuvres et documents liés au spectacle, une très agréable et lumineuse salle de lecture permet l’accueil de 35 lecteurs pouvant disposer en accès direct de 5000 ouvrages et d’une trentaine de périodiques. Le fonds d’origine, celui constitué par Auguste Rondel (1858/1934), complété depuis lors par de multiples achats et des dons, est désormais conservé dans les magnifiques magasins réhabilités anciennement dédiés aux livres rares (transférés au sein de la Bibliothèque François Mitterrand dans le 13ème arrondissement de Paris) et dans d’autres réserves proches de la salle de lecture. La vocation du Département des Arts du Spectacle est de conserver la mémoire de toutes les expressions du spectacle vivant : théâtre, danse, musique pour partie, cabaret, music-hall, télévision et radiodiffusion avant 1974, le cinéma avant 1945, et plus récemment les spectacles de rue. Une antenne décentralisée du Département s’est installée en 1979 à Avignon, au sein de la Maison Jean Vilar, en partenariat avec l’Association Jean Vilar, ce en déclinaison du Festival de Théâtre, le plus important au monde, qui se déroule chaque été. Au total, le Département des Arts du Spectacle conserve près de quatre millions de documents et objets : manuscrits, correspondances, archives artistiques, administratives et techniques, maquettes de décors et costumes, estampes, dessins, programmes, affiches, photographies, archives sonores et audiovisuelles, livres et revues, costumes de scène… Lieu incontournable pour les chercheurs, il conserve de multiples fonds légués par les artistes eux-mêmes ou leurs ayants-droits, d’André Antoine à Roger Planchon, de Charles Dullin à Antoine Vitez ou Marcel Pagnol, Renaud Barrault, Théâtre du Soleil, Festival d’Automne.. Parmi les comédiens, citons Maria Casarès, Silvia Montfort, Edwige Feuillère, Charles Vanel entre autres. Côté chansons par exemple, Yvette Guilbert, Damia ou Edith Piaf.

Bibliothèque des Arts du Spectacle
58 rue de Richelieu 75002 Paris
Horaires du lundi au samedi de 10h à 18h
Tel : 01 53 79 43 87
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Rotonde des Arts du spectacle (ancienne rotonde Van Praet) © Jean-Christophe Ballot / Oppic / BnF

« Je ferai mon travail avec ambition, amour, travail et exigence » a affirmé Aurélie Dupont lors de la conférence de presse organisée par l’Opéra National de Paris le jeudi 4 Février pour annoncer sa nomination comme Directrice de la Danse.

Cette nouvelle inattendue d’un changement de direction a eu l’effet d’un séisme dans le monde de la danse parisienne, personne n’aurait pu imaginer que Benjamin Millepied renoncerait à la Direction de la Danse après un peu plus d’un an de sa prise de fonction.

Les raisons principales de ce départ devraient être recherchées du coté des dissensions apparues au sein de l’Opéra National de Paris, une institution culturelle française de renommée mondiale et qui traîne derrière elle un lourd héritage historique.

Ce fut Louis XIV qui créa en 1661 l’Académie Royale de Danse réservée aux danseurs ; les danseuses n’y seront admises qu’en 1784 , année qui marque également l’ouverture officielle de l’Ecole de Danse, jusqu’alors Ecole de l’Académie. En 1856 fut institué le concours qui permet aux danseurs de gravir les échelons; et la première danseuse étoile fut nommée au début des années trente. Enfin, la dernière étape importante de son évolution a eu lieu en 1994 lorsque l’Opéra de Paris devient l’Opéra National de Paris, un changement de dénomination qui confère à cette institution publique une identité nationale.

Ces références historiques nous éclairent sur le fonctionnement particulier d’une structure carrée qui ne souffre pas de changements sévères. L’Opéra de Paris est une maison d’origine « royale » qui évolue en imposant ses propres règles. Stephane Lissner aurait-il suffisamment tenu compte de cela au moment du choix de Benjamin Millepied ?

La nomination du chorégraphe en 2013 avait d’ailleurs créé la surprise. Les danseurs étaient néanmoins impatients de le voir à l’œuvre succédant à vingt années de direction de Brigitte Lefèvre. Millepied représentait l’innovation, l’ouverture et la modernité et pouvait soutenir l’ambition de Stéphane Lissner d’élargir le cercle des mécénats. Le nouveau directeur prend effectivement à cœur son rôle en portant une attention particulière aux danseurs sans oublier le public : il renouvèle les sols de l’Opéra assurant ainsi la sécurité des danseurs dont certains ont déjà été victimes de blessures; Il ouvre sur le site Internet de l’Opéra la 3ème scène, une manière de faire découvrir la danse et de conquérir un public plus vaste ; et il organise en septembre dernier un spectacle déambulatoire à l’Opéra Garnier à des prix bien plus accessibles et présentant différent danseurs (tous échelons confondus). Ses initiatives étaient nombreuses mais sa priorité était bel et bien les danseurs du Corps de Ballet. Parallèlement, il a continué à diriger sa propre compagnie la L.A.Dance Project. Ses communications sur les réseaux sociaux étaient fréquentes et concernaient les deux compagnies qu’il dirigeait.

A l’occasion du concours annuel du dernier mois d’octobre, il avait affirmé sa volonté d’abolir un jour cette épreuve sévère et relativement hasardeuse qui attend tous les ans les danseurs. Benjamin Millepied est un artiste dont l’esprit libre n’a probablement pas mesuré l’ampleur de la tâche administrative qui incombait à son poste de directeur. Au fil des mois ses tentatives incessantes de casser la rigidité institutionnelle de l’Opéra pour faire place un système plus démocratique dans le choix des danseurs commençait à fragiliser sa position. Le coup de tonnerre arrive le mercredi 3 février avec la publication sur Paris Match d’une interview dans laquelle le directeur de l’Opéra de Paris annonce sa volonté de partir, France Inter relaie l’information et le jeudi matin, le communiqué de presse de Millepied est diffusé sur Twitter. La messe est dite. On pourrait se demander si l’impatience dont a fait preuve Benjamin Millepied aura finalement été la cause de son échec. N’aurait-il pas eu de sérieuses chances de réussir sa réforme en procédant de manière plus lente ?

Le même jour, Stephane Lissner convoque les danseurs à 14h, et la presse à 15h pour annoncer la nouvelle Directrice de la Danse, Aurélie Dupont. Cette dernière avait beaucoup inspiré Benjamin Millepied (pour elle, il avait créé Daphnis et Chloé et le duo Together Alone n.d.r.). L’ancienne danseuse étoile avait fait ses adieux à la scène le 18 mai dernier avec une magnifique interprétation dans l’histoire de Manon avec Roberto Bolle (où elle avait d’ailleurs remporté le prix de la meilleure interprète de l’Association professionnelle de la critique théâtre, musique et danse). Elle accepte à présent son nouveau rôle « pour l’amour de la maison ».Riche de 32 ans d’expérience artistique au sein de l’Opéra de Paris, elle a à n’en pas douter toutes les compétences artistiques nécessaires et connaît parfaitement le mode de fonctionnement de l’Opéra national de Paris. Elle pourra ainsi garantir avec toute la sensibilité qu’on lui connaît l’évolution de la compagnie qui comporte 154 danseurs. Le ballet de l’Opéra national de Paris restera une compagnie classique avec une ouverture sur le contemporain.

Antonella Poli

Henri Dutilleux aurait eu 100 ans en ce début d’année 2016 (22 janvier). Mais ceux qui l’ont bien connu et fréquenté régulièrement dans l’appartement qu’il partageait avec son épouse la pianiste Geneviève Joy dans l’Ile Saint-Louis, ont l’impression de l’avoir quitté hier. Ce sentiment tient à l’extraordinaire vitalité qui le garda en vie jusqu’à 97 ans. Durant un demi siècle, il fut « Monsieur Henri » pour les habitants de ce petit coin de province parisienne qu’il arpentait de son pas pressé, foulard de peintre rouge noué autour du cou, pour faire ses courses ou se rendre à ce studio très sobre meublé de trois pianos et d’une petite table, ouvrant sur une cour d’école à un jet de pierre de l’appartement.

Il était né par les hasards de la Grande Guerre à Angers où sa famille s’était réfugiée fuyant les bombardements de Douai où ses ancêtres avaient créé une imprimerie d’art. Les racines paternelles avec l’aïeul le peintre Constant Dutilleux, ami de Corot et exécuteur testamentaire de Delacroix, expliquent à coup sûr la dilection d’Henri Dutilleux pour la peinture, son cher Van Gogh en tête. Les vicissitudes de la guerre avaient séparé le double portrait de George Sand et de Chopin peint par Delacroix… Pour la musique, il faut chercher du côté maternel avec le grand père Julien Koszul, ami de Fauré et de Saint-Saëns, directeur du conservatoire de Roubaix.

A l’inverse d’un Berlioz ou d’un Boulez, nés dans des milieux hostiles à l’art, Dutilleux est tombé dans la marmite dès sa plus tendre enfance. Joli symbole, à Douai, papa et maman pratiquaient assidûment avec leurs amis la musique de chambre : la route est tracée qui le conduira au Grand Prix de Rome en 1938. Bien plus tard, il était tout ému de me montrer le pupitre de bois fruitier taché d’encre sur lequel était posé le manuscrit de sa dernière partition : c’était celui où tout enfant il travaillait les exercices de composition musicale que lui donnait son grand père Koszul, le dimanche dans le silence et l’odeur d’encre de l’imprimerie familiale. Le reste de la semaine, un  ouvrier y composait des mots avec des lettres…

Tout le contraire d’un révolté, Dutilleux n’a jamais rien renié du passé ; de son passé. Un conservateur ? Que non pas ! C’est dans la règle qu’il cherche du nouveau utilisant l’ancienne méthode artisanale. « Je suis trop vieux, me confiait-il, pour me mettre à la composition assistée par l’ordinateur ! » Telle est sa ligne. Il l’a choisie et n’en déviera pas. Homme du juste milieu… un tiède, diront les jaloux qui ne l’ont jamais bien écouté. Quelle violence pourtant dans ses pièces symphoniques («Métaboles», les symphonies 1 et 2)! Il n’ignorait rien de l’œuvre de Schoenberg ou de Bartok: il fait son miel de tout sans rien casser.

C’est vrai qu’il occupait une place médiane dans la querelle qui déchira le monde musical français des années 60-70, refusant obstinément de prendre parti pour Marcel Landowski, son aîné d’un an, qui cherchera en vain à l’attirer sous la coupole de l’Institut, ni pour Pierre Boulez qui veut renverser la table. Dutilleux reconnaît les mérites de chacun, mais ne cède pas au chant des sirènes. Héritier à tous points de vue, il n’a pas à se bagarrer pour imposer son œuvre : George Szell à Cleveland, Charles Munch à Boston avant Rostropovitch à Washington et Ozawa à Berlin lui passent commande. Cette reconnaissance internationale ne lui montera jamais à la tête : l’artisan continue de polir une œuvre à maturation lente.

L’homme du Nord né dans la douceur angevine, reviendra, adulte, se nicher au confluent immense de la Loire et de la Vienne à Candes Saint-Martin où il faisait volontiers retraite pour fuir les obligations parisiennes : il rompait ainsi brutalement au volant d’une voiture rapide (un point commun avec Boulez !) pour y retrouver ce sens du sacré que l’art lui avait enseigné. La maison a du style, mais un confort spartiate. C’est la lecture des poètes de Jean Cassou à Baudelaire, l’admiration des tableaux comme La Nuit étoilée de Van Gogh, mais aussi le spectacle de la nature qui le portaient à la composition. Comme il l’avait appris de sa famille, l’œil et l’oreille ne font qu’un.

Après la guerre, le directeur de la musique de la radio nationale Henry Barraud lui confie judicieusement la responsabilité des Illustrations musicales ce qui convient parfaitement à celui qui signa plusieurs musiques de films et de scène pour la Comédie-Française. Sans compter son premier grand succès avec le ballet Le Loup créé par Roland Petit en 1953 et repris au début des années 2000 pour la plus grande joie du compositeur. A la fin de sa vie, il revint à la voix qu’il a toujours servie depuis les Sonnets de Jean Cassou mis en musique pendant la guerre, avec pour interprètes les plus célèbres divas de l’heure, de Renée Fleming à Barbara Hannigan. Les plus grands chefs comme les plus grands solistes, d’Isaac Stern à Rostropovitch, auront choyé son œuvre jouée et enregistrée sur tous les continents.

Jacques Doucelin

 

 

 

Chef de file de l’avant-garde musicale après la seconde guerre mondiale, Pierre Boulez est mort, dans sa résidence de Baden-Baden d’avoir été trahi par ses yeux : depuis quelques années il avait déserté les estrades. On a le souvenir d’un concert salle Pleyel où il avait du quitter le pupitre pour aller en coulisse chausser des lunettes plus fortes. Puis, après l’échec de ses chirurgiens de Chicago, il renonça à écrire ses propres œuvres comme à lire celles des autres. Lors d’un hommage à Abbado dans la nouvelle salle de Lucerne, on fut frappé par sa silhouette recroquevillée et son visage défait.

Perdre la vue fut une tragédie pour ce grand intellectuel français qui n’avait pas seulement l’oreille absolue, mais aussi l’œil absolu. Grand dévoreur de livres, lors de ses déplacements en avion d’un continent à l’autre, il se replongeait dans Proust ou dans ses philosophes favoris. Il avait tout lu, savouré toutes les expositions – je garde le souvenir précieux d’avoir visité en sa compagnie à Bordeaux une rarissime rétrospective Odilon Redon. Il avait la culture à la fois joyeuse et encyclopédique. A Paris, on lui ouvrait le Louvre pour lui seul, le mardi, jour de fermeture. A la fois curieux, discret, chaleureux, colérique, tout sauf tiède, il a traversé le siècle comme un ogre au milieu des amitiés les plus fidèles et des haines les plus tenaces : Boulez l’affamé de culture.

Il était né en 1925 à Montbrison, pas si loin du Dauphiné de Berlioz auquel il ne ressemble pas seulement parce que leurs noms commencent et finissent par une même lettre. Tous deux voient le jour dans le même désert musical familial avant de s’affronter à des pères hostiles à leur choix de carrière de compositeur - un médecin pour Berlioz, un ingénieur pour Boulez. Allez donc vous étonner que pour l’un comme pour l’autre la vie n’ait été qu’une lutte pour la conquête de sa destinée !

Encore que Boulez « tua » bien d’autres pères que son père biologique dont il hérita un goût certain pour la technique qui ne le quittera jamais et se mua même en passion pour la recherche et pour la nouveauté influençant au passage nombre de ses compositions : sans l’ordinateur, l’œuvre de Boulez eût été plus pauvre. Ca n’est donc pas sans raison qu’il se précipita avec enthousiasme dans la brèche que le couple Pompidou sut lui ouvrir dans le temple de l’art moderne sur le plateau Beaubourg pour y implanter l’IRCAM (Institut de Recherche et de Coordination Acoustique Musique), un centre tel qu’il en avait découvert aux Etats-Unis. Tel fut, à la fin des années 70, le prix que paya l’Etat pour le retour en France du fils prodigue Pierre Boulez qui après Pierre Monteux et Charles Munch, s’était exilé à Londres et aux Etats-Unis.

Car quelques années auparavant, il avait perdu la bataille contre les « conservateurs ». Malraux, ignare en musique, mais brillantissime ministre de la culture de de Gaulle, lui avait préféré Marcel Landowski en 1966 pour réformer un monde musical français totalement vermoulu. De fait, si les deux hommes se détestaient, il s’agissait plus là d’un conflit de générations (dix ans les séparaient) et d’entourage, car leurs actions respectives se révèlent aujourd’hui extraordinairement complémentaires au vu du magnifique renouveau de notre vie musicale. Enfin, si l’on considère que Landowski était directeur de la musique à la Comédie-Française, temple de la tradition, et que Boulez occupait le même poste à la Compagnie Renaud Barrault animée de l’esprit de curiosité et de nouveauté, on comprend combien leurs natures étaient incompatibles !

Fin diplomate, mettant sans rechigner les mains dans le cambouis, Landowski redessina par la persuasion, pratiquement sans esclandre, la carte des conservatoires de l’Hexagone chargés de former les futures troupes des orchestres et des opéras rénovés dont il dotait les principales régions. Boulez, lui, émigré à Baden-Baden, révolutionnant le vieux Bayreuth déployait son activité à l’étranger, de Vienne à Chicago en passant par la BBC. A Paris, il fit entendre la voix de la musique au Collège de France où l’avait précédé son grand ami le philosophe Michel Foucault. Un émigré très présent !

C’est Darmstadt où il enseignait dès les années 50 et le Festival de Donaueschingen où son artisanat furieux fit souffler le vent décoiffant de l’avant-garde européenne au côté de Maderna, Nono, Stockhausen, qui attirèrent l’attention de Wieland Wagner et dès 1966 le petit fils de Richard Wagner lui confia son premier Parsifal à Bayreuth : premier scandale sur la verte colline ! Ce fut une manière de prélude à La Tétralogie historique qu’il partagea, dix ans plus tard, avec Patrice Chéreau pour le centenaire du Festival de Bayreuth. La France n’a sans doute pas mesuré sur le moment l’importance dans la construction européenne de l’invitation faite à deux Français à balayer ce qui restait des années noires dans la vieille Allemagne d’après-guerre. Car des sifflets de 1976, on passa à 20 minutes d’applaudissements en 1980 au soir du dernier Ring : une page avait vraiment été tournée. Un triomphe au pays de la musique pour un chef totalement atypique qui avait appris son métier de la façon la moins académique qui soit.

Il expliquait que dans sa jeunesse au sortir de la classe de Messiaen au Conservatoire de Paris et après avoir découvert l’école de Vienne avec René Leibowitz, il avait pris conscience qu’il fallait d’abord apprendre à jouer cette musique. Ce qu’il fit avec les musiciens qu’il réunit au Petit Marigny à l’invitation de Jean-Louis Barrault. Ainsi naquit le fameux « Domaine musical » comme un « laboratoire ». Ainsi Boulez devint-il son propre professeur de direction d’orchestre, pour créer d’abord ses propres œuvres et pour jouer ce répertoire contemporain qu’il affectionnait: Boulez self made man ! Ce faisant, tout en forgeant son propre instrument, il devint le chef d’orchestre que se disputaient les plus célèbres phalanges du monde.

L’ingénieur était aussi poète, car il y avait du peintre chez ce gourmand du timbre délicat : sans baguette, la main dosait le son comme on applique la couleur sur la toile. La rythmique impérieuse faisait merveille dans Stravinsky, mais le geste onctueux gommait toute rugosité, toute dureté dans Berg comme dans Webern. Cerveau d’ingénieur, certes, mais âme musicienne aussi. N’oublions pas trop vite, que le jeune pianiste Boulez durant la guerre à Lyon, eut l’occasion d’accompagner la grande Ninon Vallin : les nouvelles machines, oui, mais prima la musica ! Ses détracteurs trop pressés auraient bien fait de s’en souvenir. Ils eussent été moins surpris de ses triomphes à Bayreuth ou une décennie plus tard (1977) au Palais Garnier où invité par Liebermann il révéla les sortilèges de la version complète en trois actes de la Lulu de Berg dans une autre géniale mise en scène de Chéreau. C’est avec ce même complice qu’il devait faire ses adieux en tant que chef d’opéra avec une bouleversante Maison des morts de Janacek.

Lui, le dévoreur de poètes, à commencer par René Char, n’aura réussi à mener à bien aucun projet d’opéra. Il y avait pourtant du lyrique en lui comme le prouve la trame subtile et limpide de la plupart de ses orchestrations. Après une rupture provisoire avec son professeur Messiaen, on le vit du côté des tenants de la musique concrète, Pierre Schaeffer et Pierre Henry, mais ce ne fut qu’une tocade. La fée électricité permit l’invention des ondes Martenot : Boulez se précipita sur ce clavier strident qu’il tint au sein de l’ensemble qu’il avait réuni. Car ce Berlioz du XXè siècle qui n’a rien fait comme les autres, n’eut de cesse de multiplier les expériences jusqu’aux étranges machines à calculer de l’Ircam enfouies par Renzo Piano à quatorze mètres de profondeur sous le chevet de Saint Meri et de la fontaine de Niki de Saint Phalle, un carambolage de siècles cher à Boulez.

Son chef-d’œuvre Répons fut le fruit de cette géniale rencontre de la science et de la poésie. Mais grâce à son activité de chef invité partout dans le monde, Boulez ne perdit jamais le contact avec le grand répertoire. Car il ne se contenta pas de révéler au public les beautés du bel aujourd’hui, celles de son cher Varèse (encore un autre exilé !), de Stravinsky, de Bartok ou de Schoenberg. Il se frotta aussi à la première « école de Vienne », celle de Haydn et Mozart, et pas seulement pour les abonnés du New York Philharmonic ! Je garde le souvenir amusé d’une improbable série de Concertos pour piano de Mozart qu’il dirigea au milieu des années 60 dans la salle de l’Ancien Conservatoire à Paris avec Yvonne Loriod, alias Mme Messiaen. C’est Wagner qui devait lui ouvrir les portes du romantisme tardif autrichien avec ces mémorables Mahler et Bruckner pas moins extatiques qu’exacts dirigés en forme de testament musical au Festival de Lucerne. Notre association de critiques l’avait distingué à de nombreuses reprises, notamment à l’occasion de spectacles lyriques tant à l’Opéra de Paris qu’au Festival d’Aix en Provence. Il n’hésitait pas à venir recevoir son prix lui-même. Ses rapports avec la presse, pour ce qui nous concerne, étaient toujours empreints d’une franche cordialité.

Son regret aura sans doute été de ne jamais avoir pu inaugurer lui-même la grande salle de la Philharmonie de Paris pour laquelle il s’est tant battu auprès des politiques de tous bords et qui parachève son grand œuvre architectural que constitue la Cité de la Musique à la Villette. Esprit rationnel et visionnaire, il aura réussi malgré tous les obstacles à mettre à l’heure de la mondialisation la vie musicale parisienne dotée désormais de deux salles de concerts, d’un conservatoire, d’un musée et d’une bibliothèque réunis en un même lieu qui finira sans doute un jour et à juste titre par porter son nom.

Jacques Doucelin 

Jean-Albert Cartier, qui vient de mourir fin décembre à 85 ans, aura été, de la fin des années 60 à la fin du XXe siècleun acteur majeur de la vie culturelle française, tout en restant dans l’ombre.

Notre Association, alors Syndicat professionnel de la critique, a su toutefois le distinguer à la fin de la saison 1986-1987, en l’inscrivant à son palmarès, comme personnalité musicale de l’année « pour sa programmation et l’ensemble de son activité à la tête du Châtelet-Théâtre musical de Paris ».

Jean-Albert Cartier fut de 1980 à 1988 en charge de la relance, réussie, de cette salle, jadis temple de l’opérette, à la demande de la Ville de Paris qui en est le propriétaire. Sans disposer d’orchestre ni de chœur permanents, il sut y proposer un mélange de productions lyriques d’ouvrages de périodes différentes, avec un soin apporté toujours aux décors, aux costumes et à la mise-en-scène. Dans toutes ses activités, il n’oublia d’ailleurs jamais qu’il avait été pendant quinze ans critique d’art pour les journaux Combat et Jardin des Arts.

Son activité dans le domaine lyrique, il l’exerça d’abord au Théâtre musical d’Angers, puis à l’Opéra de Nancy et après le Châtelet, à l’Opéra de Nice et pour d’éphémères festivals à Paris et à Versailles.

A Angers, il eut l’idée de faire confiance au franco-argentin Jorge Lavelli qui y fit en 1975 ses débuts comme metteur en scène lyrique d’un « Idomeneo » de Mozart, resté longtemps une référence. A son sujet Lavelli écrivait en 2014 : « La joie et l’expérience de cette aventure mozartienne ont marqué mon travail et creusé mon esprit de recherche ». Claude Régy, Luca Ronconi, Jean-Louis Thamin, signèrent pour Jean-Albert Cartier à Angers des productions lyriques qui bousculèrent les conventions et amenèrent un nouveau public à l’opéra.

C’est toutefois peut être dans le domaine de la danse que l’apport de Jean-Albert Carier a été le plus décisif. Ne lui doit-on pas deux compagnies de danse qu’il a créées et dirigées, avec le soutien de l’Etat et de collectivités territoriales: le Ballet théâtre contemporain (BTC) de 1968 à 1978, à Amiens puis à Angers et le Ballet de Nancy de 1978 à 1987. Le BTC fut l’institution pionnière dans le sillage de laquelle furent créés les Centres chorégraphiques nationaux, dont un toujours à Angers et l’autre à Nancy.

Sa fréquentation de grands artistes de l’après deuxième guerre mondiale, de Calder à Braque, de Giacometti à Le Corbusier, l’amena tout naturellement à associer avec bonheur peintres et sculpteurs aux arts du spectacle, principalement la danse et l’opéra, sans oublier à la musique la plus novatrice, et à tenter ainsi des mariages, a priori, surprenants.

Il y a un an, Jean-Albert Cartier a publié un livre de souvenirs « Le Manteau d’Arlequin », aux Editions de l’Amandier. Cet ouvrage s’ouvre symboliquement sur des textes signés par trois créateurs vivants qui, dans des domaines différents, témoignent de leur reconnaissance à ce directeur: le peintre Gérard Fromanger, le chorégraphe tchèque Jiri Kylian et Jorge Lavelli. On pourrait ajouter à la liste le metteur en scène, décorateur, costumier et auteur des lumières, l’italien Pier Luigi Pizzi qui fut un des créateurs phares de la période Châtelet de Jean-Albert Cartier, avec aussi bien des spectacles baroques fastueux que des mises en scène « de l’épure ».

Jean-Albert Carier était pleinement ce qu’on appelle un directeur artistique, c’est-à-dire un responsable qui avait du flair et qui une fois qu’il avait choisi un artiste, le laissait s’exprimer en toute liberté avec son équipe.

Yves Bourgade

En ce soir de première de « l’Orestie », mercredi 2 décembre, l’émotion dans la salle de l’Odéon à Paris était palpable. Luc Bondy, disparu quelques jours plus tôt, était présent dans toutes les têtes et dans bien des cœurs. Juste avant la représentation, le metteur en scène italien Romeo Castellucci s’est propulsé sur la scène, a prononcé le nom du directeur défunt, et dos au public, face au rideau noir, a lancé une salve d’applaudissements. Les spectateurs debout ont salué deux minutes durant la mémoire du grand homme de théâtre.

Pour les critiques que nous sommes, c’est une part de nous-mêmes qui s’éteint à chaque fois que disparait une étoile de la scène. Luc Bondy est mort jeune à 67 ans, mais il avait 45 ans de carrière derrière lui. Malade dès l’âge de 24 ans, il a dévoré sa vie d’artistes réalisant plus de 75 mises en scène, parmi lesquelles une quinzaine d’opéras. Bondy ne se revendiquait d’aucune école, d’aucun style. Il prisait l’éclectisme, adorait avant tout les textes et leurs possibles. Il misait à fonds sur les comédiens (et chanteurs), leur jeu, leur personnalité, leur être. Son regard était juste, humain, teinté d’une ironie joyeuse et d’une mélancolie, propres à la « Mittle Europa », son territoire intime.

D’aucuns se souviennent du charme discret de « Terre étrangère » d’Arthur Schnitzler créé en 1984 aux Amandiers (qui l’a peu ou prou révélé en France) ou de « La Ronde », l’opéra de Philippe Boesman  (d’après Schnitzler aussi) à la Monnaie de Bruxelles en 1993. Plus récemment à l’Odéon, nombre d’entre nous ont vibré à ses « Fausses confidences » portées par une Isabelle Huppert survoltée. Et à sa dernière création : un « Ivanov » ultra-noir, programmé juste après les attentats de Charlie et de l’Hyper Cacher, où le jeune Micha Lescot (couronné par notre association) a fait des merveilles dans le rôle-titre. On retrouvera le comédien l’an prochain dans « Tartuffe », avant dernier spectacle du maître, remplaçant in extremis cet « Othello » qu’il n’a pas eu le temps de monter avant de mourir.

Excellent metteur en scène, Bondy fut aussi un grand directeur d’institution et de festival à l’étranger: co-directeur de la prestigieuse  Schaubühne de Berlin (1985 à 1987) et patron du festival de Vienne de 2002 à 2013. Les polémiques sur sa nomination à la tête de l’Odéon en 2012 ont fait long feu ‑ à l’aune de son travail de mise en scène et de sa programmation étincelante. Un choix résolument européen (Van Hove, Castellucci, Pommerat, Jolly, Warlikowski, Ostermeier…). Parce que l’Odéon est ‑ et doit - rester le Théâtre de Europe. Parce que Luc Bondy voulait à tout prix défendre la culture de notre continent malade de ses crises et de ses doutes. Parce que Luc Bondy était un grand européen. Plus que cela : un grand d’Europe.

Philippe Chevilley, collège Théâtre

Homme de théâtre et de passion, Luc Bondy, au même titre que son aîné Patrice Chéreau, ne pouvait négliger d’aborder l’art lyrique au sein de son vaste parcours artistique. Il signe ses premières mises en scène d’opéras au Staatsoper de Hambourg en abordant d’emblée deux ouvrages particulièrement complexes du XXème composés par Alban Berg, Lulu en 1977 et Wozzeck quatre ans plus tard. En 1984, Luc Bondy débute une collaboration importante avec Gérard Mortier alors directeur du Théâtre de la  Monnaie de Bruxelles (ils se retrouveront plus tard à Salzbourg et à l’Opéra National de Paris) avec en premier lieu, Cosi fan tutte de Mozart, une réussite placée sous le signe de la sensualité et de l’équilibre, suivie en 1989 par le Couronnement de Poppée de Monteverdi.

La création lyrique contemporaine s’inscrit ensuite durablement au cœur des réalisations de Luc Bondy à Bruxelles toujours, puis au Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence et à Paris. Il signe ainsi en 1993 le livret et la mise en scène de la Ronde d’après Arthur Schnitzler sur une musique de Philippe Boesmans. La forte complicité artistique établie avec ce dernier va se poursuivre à travers trois autres ouvrages centraux, Le Conte d’hiver, Julie d’après Mademoiselle Julie d’August Strinberg, puis Yvonne, Princesse de Bourgogne, évoquant en cela le souvenir de la fructueuse collaboration d’Hugo von Hofmannsthal et de Richard Strauss.

C’est avec une autre création que Luc Bondy clôt son parcours lyrique en 2014 dans le cadre du Festival de Salzbourg avec Charlotte Salomon opéra de Marc-André Dalbavie, servi par une distribution vocale très majoritairement française. On se souviendra bien entendu de sa mise en scène de Don Carlos de Verdi au Théâtre du Chatelet en 1996 et plus encore de ses productions créées pour le Festival d’Aix en Provence, un troublant Tour d’écrou de Benjamin Britten en 2001 et Hercules de Haendel en 2004. Sa Tosca de Puccini, présentée au Metropolitan Opéra de New York en 2009, puis reprise à l’Opéra de Munich et à la Scala de Milan, sombre et austère, sera plus discutée. A son actif et entre autres, il convient de noter ses mises en scène de Don Giovanni (Vienne) et d’Idoménée (Palais Garnier, Paris 2006) de Mozart, Salomé de Richard Strauss (Salzbourg et Paris). Après Patrice Chéreau il y a deux ans, l’opéra perd en Luc Bondy un sincère et précieux serviteur.

 José Pons, collège Musique

Jacques Lonchampt qui fut de 1961 à 1990 le critique musical du quotidien Le Monde, est décédé le 27 décembre 2014, à Paris à l'âge de 89 ans. Il avait été engagé à ce poste par le fondateur du journal, personnellement, Hubert Beuve-Méry. Il a été pendant près de trente ans un témoin scrupuleux et recherché par les professionnels et les curieux de la vie musicale et lyrique en France et en Europe. Né à Lyon le 10 août 1925 dans une famille de mélomanes, après des études de lettres, Jacques Lonchampt fit ses premières armes de critique musical à Lyon Libre, et devint à vingt ans délégué des Jeunesses Musicales de France (JMF), dont il anima, comme rédacteur en chef, le Journal Musical Français, qui tirait alors à 200.000 exemplaires. Parallèlement à son activité de critique musical au Monde, il eut en plus diverses responsabilités aux Editions du Cerf, dont notamment celle de la réalisation d’une monumentale édition critique des écrits de Sainte Thérèse de Lisieux. Il publia en outre une analyse des quatuors de Beethoven (éd. Fayard) et mit à profit sa retraite pour regrouper ses propres articles ainsi que ceux d'Émile Vuillermoz (éd. L'Harmattan), qui fut un de ses maîtres en critique et dont il acheva l'Histoire de la Musique (éd. Fayard). Jack Lang, alors Ministre de la Culture, lui avait remis la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur. Peu avant de mourir, toujours lucide et actif, il avait rédigé et publié une Histoire de ma vie (ed. L’Harmattan) qui permet de mieux connaître l’homme habité par une intense foi catholique. Jacques Lonchampt qui était membre du Syndicat professionnel de la critique de théâtre, de musique et de danse, a participé de longues années activement à son Comité et occupa le poste de vice-président musique.

Yves Bourgade, membre du Comité du Syndicat de la Critique

Nicole Duault, qui appartenait aux collèges musique et danse de notre Syndicat, est décédée des suites d'un A.V.C le 31 août 2014 à l'âge de 72 ans.
Après avoir fait l'essentiel de sa carrière comme journaliste culturelle au France Soir encore de la grande époque, elle collaborait au Journal du Dimanche (dès son lancement) et au site Altamusica.
Passée par l'Ecole supérieure de journalisme de Lille, elle s'était spécialisée dans les années 60 et 70 dans les problèmes d'éducation, de formation et de jeunesse. Puis, elle était passée aux pages sur les arts plastiques et sur le spectacle vivant (surtout l'opéra et la musique) du grand quotidien du soir où elle avait aussi formé des nouvelles recrues au journalisme culturel.

Yves Bourgade, membre du Comité du Syndicat de la Critique