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Depuis 1963, les Prix du Syndicat de la Critique saluent chaque année les spectacles et les personnalités artistiques, que ce soit en théâtre, en musique ou en danse, qui ont marqué la saison. Une saison qui s’est brutalement arrêtée en mars en raison de la covid-19. Le syndicat a décidé de maintenir ses prix pour affirmer son soutien au spectacle vivant, particulièrement impacté par une crise sanitaire dont les répercussions sociales et économiques se font déjà sentir.

Portés par un élan solidaire, de très nombreux adhérents ont témoigné cette année par leur vote de l’importance de la création, de l’engagement des artistes pour partager avec le public le désir d’un monde poétique. Riche de toutes ces voix passionnées et singulières, le 59ème palmarès reflète une belle diversité, un art florissant sous toutes ses formes esthétiques.

En attribuant à Clément Hervieu-Léger, le Grand Prix Théâtre, la critique salue le travail d’un artiste délicat, exigeant. L’ensemble du palmarès Théâtre révèle de belles nuances anticipatrices et politiques d’une société féministe non genrée et plus égalitaire. Ainsi, deux metteuses en scène sont primées, l’une pour son adaptation poétique de Maeterlinck (Julie Duclos pour Pelléas et Mélisande); l’autre pour son footbalistiquement féministe (Pauline Bureau pour “Féminines”). L’interprétation par André Macron d’une femme comme les autres lui vaut le prix du Meilleur comédien. Ludmilla Dabo, actrice protéiforme qui joue, danse et chante avec une fougue contagieuse obtient le prix de la Meilleure comédienne. Prime à la jeunesse avec Romain Daroles qui réinvente Phèdre en un seul en scène décapant et Aurore Fremont, la figure d’Électre dans la fresque féministe de Simon Abkarian. Une mention spéciale est attribuée à l’ovniesque et transgenre Hen de Johanny Bert. Enfin, le Prix du meilleur Spectacle étranger revient à l’artiste russe Kirill Serebrennikov, pour son très « queer » Outside à qui le Syndicat affirme son entière solidarité face aux intimidations et autres mesures d’assignation dont il est victime dans son pays.

En décernant le Grand Prix Danse à deux œuvres au langage chorégraphique très différents, Body and Soul de Crystal Pite et Une Maison de Christian Rizzo, le collège Danse tient ici à saluer l’éclectisme d’une discipline en pleine mutation. Soucieux du monde qui nous entoure, de la société dans laquelle on vit, les critiques ont tenu cette année à distinguer des artistes très différents, ainsi qu’à créer de nouveaux prix afin de témoigner de ce qu’est la danse aujourd’hui. Face à face, dos à dos, Akram Khan et Lia Rodrigues se partagent le prix de la personnalité de l’année. Leur engagement, l’un sur le devoir de mémoire, l’autre sur le drame qui se joue dans les Favelas brésiliennes, illustrent combien l’art chorégraphique est sensible aux bruissements du monde. En inaugurant le prix de la Performance avec Phia Ménard, le collège danse tenait à dépasser les préjugés, à lutter contre toutes les formes de discrimination. Il en est de même en consacrant le documentaire Danser sa peine ! de Valérie Muller, qui revient sur l’incroyable création de Soul Kitchen d’Angelin Preljocaj avec des détenues de la prison des Baumettes. Enfin, en offrant, au jeune chorégraphe taïwanais Po-Cheng Tsai et à la lumineuse Cristiana Morganti respectivement révélation et artiste de l’année, le collège danse consacre esthétisme, renouveau et présence scénique prégnante et irradiante.

Le collège musique quant à lui salue l’opéra de Cavalli, Ercole Amante, totalement revisité par le duo Valérie Lesort et Christian Hecq. Définitivement baroque, l’œuvre révèle toute sa puissance grâce à une mise en scène kitsch et fantasmagorique et une direction musicale au cordeau signée Raphaël Pichon. Soucieux d’un équilibre entre art lyrique et musique contemporaine, les critiques ont souhaité aussi mettre en lumière le jeune talent Florentin Ginot, contrebassiste prodigue, le concerto pour piano du célèbre compositeur polonais Zygmunt Krause ainsi que la voix extraordinaire du ténor Benjamin Bernheim et la dextérité audacieuse de Léo Warynski, chef d’orchestre hors pair. Par ailleurs, le Démon d’Anton Rubinstein remis au goût du jour par l’épatant Dmitry Bertman touche au sublime et remporte le prix du meilleur spectacle créé en province et l’étonnant Jacob Lenz de Wolfgang Rihm qui invite à une descente aux enfers hypnotique, la meilleure coproduction lyrique européenne.

Faute de pouvoir célébrer tous ensemble ce palmarès, retrouvez toute la semaine sur le site du syndicat les mots des lauréats.

Le palmarès

En Théâtre

GRAND PRIX (Meilleur spectacle théâtral de l’année) UNE DES DERNIÈRES SOIRÉES DE CARNAVAL, de Carlo Goldoni, mise en scène de Clément Hervieu-Léger (Théâtre de Carouge, Théâtre des Bouffes du Nord)

PRIX GEORGES-LERMINIER (Meilleur spectacle théâtral créé en province) PELLÉAS ET MELISANDE, de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Julie Duclos (La FabricA – Festival d’Avignon)

MEILLEURE CREATION D’UNE PIECE EN LANGUE FRANCAISE FEMININES, de Pauline Bureau (Comédie de Caen)

MEILLEUR SPECTACLE ETRANGER OUTSIDE, de Kirill Serebrennikov (L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène, Festival d’Avignon)
PRIX LAURENT-TERZIEFF (Meilleur spectacle présenté dans un théâtre privé) ROUGE, de John Logan, mise en scène de Jérémie Lippmann (Théâtre Montparnasse)

MEILLEURE COMEDIENNE LUDMILLA DABO dans Une femme se déplace, de et mis en scène par David Lescot (Théâtre des 13 vents, Printemps des Comédiens)

MEILLEUR COMEDIEN ANDRE MARCON, Anne-Marie la Beauté de et mis en scène par Yasmina Reza (La Colline – Théâtre national)

PRIX JEAN-JACQUES-LERRANT (Révélation théâtrale de l’année) ex æquo AURORE FREMONT dans Électre des bas-fonds, de et mis en scène par Simon Abkarian (Théâtre du Soleil) ROMAIN DAROLES dans Phèdre ! de et mis en scène par François Gremaud d’après Racine (Théâtre de Vidy-Lausanne-Festival d’Avignon-Sélection Suisse)

MEILLEURE CREATION D’ELEMENTS SCENIQUES STÉPHANE BRAUNSCHWEIG, scénographie de Nous pour un moment, d’Arne Lygre, mis en scène par Stéphane Braunschweig (Odéon – Théâtre de l’Europe) MEILLEUR COMPOSITEUR DE MUSIQUE DE SCENE HOWLIN’JAWS, pour Électre des bas-fonds, de et mis en scène par Simon Abkarian (Théâtre du Soleil)

MEILLEUR LIVRE SUR LE THEATRE JEAN-PIERRE HAN, 30 éditos+1, (Frictions, Théâtre-Écritures, numéro hors-série)

MENTION SPECIALE HEN, de et mis en scène par Johanny Bert (Théâtre du Train Bleu, Festival OFF d’Avignon)

En Danse

GRAND PRIX ex æquo BODY AND SOUL, chorégraphie de Crystal Pite (Ballet de l’Opéra national de Paris) UNE MAISON, chorégraphie de Christian Rizzo, (ICC-CCN Montpellier, Montpellier Danse, Théâtre de la Ville hors les murs/Chaillot-Théâtre national de la danse)

MEILLEUR INTERPRETE CRISTIANA MORGANTI, Moving with Pina, Théâtre de la Ville/ Théâtre des Abbesses.

MEILLEURE COMPAGNIE BALLET DE L’OPÉRA DE LYON.

PERSONNALITES CHOREGRAPHIQUES ex æquo AKRAM KHAN et LIA RODRIGUES

MEILLEUR FILM SUR LA DANSE DANSER SA PEINE, de Valérie Muller (Production Béatrice Schönberg, ELEPHANT productions)

MEILLEUR LIVRE SUR LA DANSE REGARDEZ LA DANSE ! de Philippe Verrièle (Nouvelles Éditions Scala, 2019)

PERFORMANCE PHIA MÉNARD

REVELATION CHOREGRAPHIQUE PO-CHENG TSAI, chorégraphe de la compagnie B.Dance.

En Musique

GRAND PRIX (Meilleur spectacle lyrique de l’année) ERCOLE AMANTE, de Francesco Cavalli, mis en scène par Valérie Lesort et Christian Hecq, direction musicale de Raphael Pichon, Choeur et Orchestre Pygmalion (Coproduction Opéra-Comique, Opéra de Versailles-Spectacle et Opéra national de Bordeaux)

PRIX CLAUDE-ROSTAND (Meilleur spectacle lyrique créé en province) LE DÉMON, d’Anton Rubinstein, mis en scène par Dmitry Bertman, direction musicale de Paul Daniel (Coproduction Opéra national de Bordeaux, Théâtre Liceu de Barcelone, Helikon-Opéra de Moscou, Staatstheater de Nuremberg)

MEILLEURE COPRODUCTION LYRIQUE EUROPEENNE JACOB LENZ, de Wolfgang Rihm, mis en scène par Andrea Breth, direction musicale d’Ingo Metzmacher, Ensemble Modern (Coproduction Festival d’Aix, Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, Staatsoper de Berlin)

MEILLEURE CREATION MUSICALE CONCERTO POUR PIANO N°3 « FRAGMENTS DE MÉMOIRE », de Zygmunt Krauze, direction musicale de Wilson Hermanto, Zygmunt Krauze, piano (Festival d’Automne de Varsovie et Orchestre national de Metz)

PERSONNALITE MUSICALE DE L’ANNEE ex æquo BENJAMIN BERNHEIM, ténor LÉO WARYNSKI, chef d’orchestre

REVELATION MUSICALE DE L’ANNEE FLORENTIN GINOT, contrebassiste

MEILLEURS LIVRES SUR LA MUSIQUE L’OPÉRA DE PARIS, 350 ANS D’HISTOIRE, par Mathias Auclair (Éditions Gourcuff Gradenigo)

CONVERSATIONS AVEC GUENNADI ROJDESTVENSKY, LES BÉMOLS DE STALINE, par Bruno Monsaingeon (Éditions Fayard)

THÉÂTRE :

GRAND PRIX (meilleur spectacle théâtral de l’année) : Les Idoles, de Christophe Honoré (Théâtre Vidy-Lausanne, Odéon-Théâtre de l'Europe)
PRIX GEORGES-LERMINIER (meilleur spectacle théâtral créé en province) : Insoutenables longues étreintes, d'Ivan Viripaev, mise en scène de Galin Stoev (ThéâtredelaCité de Toulouse)
MEILLEURE CRÉATION D’UNE PIÈCE EN LANGUE FRANÇAISE : Au-delà des ténèbres, de Simon Abkarian (Théâtre du Soleil)
MEILLEUR SPECTACLE ÉTRANGER : La Reprise (Histoire(s) du théâtre (1)), de Milo Rau (Festival d'Avignon, Théâtre Nanterre-Amandiers)
PRIX LAURENT-TERZIEFF (meilleur spectacle présenté dans un théâtre privé) : Girls and boys, de Dennis Kelly, mise en scène de Mélanie Leray (Théâtre du Petit-Saint-Martin)
La Ménagerie de verre, de Tennessee Williams, mise en scène de Charlotte Rondelez (Théâtre de Poche-Montparnasse)
MEILLEURE COMÉDIENNE : Marlène Saldana, dans Les Idoles, de Christophe Honoré (Théâtre Vidy-Lausanne, Odéon-Théâtre de l'Europe)
MEILLEUR COMÉDIEN : Nicolas Bouchaud, dans Démons, de Fédor Dostoïevski, mise en scène de Sylvain Crezevault et dans Un Ennemi du peuple, d'Henrik Ibsen, mise en scène de Jean-François Sivadier (Odéon-Théâtre de l'Europe)
PRIX JEAN-JACQUES-LERRANT (révélation théâtrale de l’année) : Suzanne Aubert, dans L'Ecole des femmes, de Molière, mise en scène de Stéphane Braunschweig (Odéon- Théâtre de L'Europe)
MEILLEURE CRÉATION D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES : Christian Tirole/Jean-François Sivadier (scénographie) pour Un Ennemi du peuple, d'Henrik Ibsen, mise en scène de Jean-François Sivadier (Odéon-Théâtre de l'Europe)
MEILLEURS COMPOSITEURS DE MUSIQUE DE SCÈNE : Éric Sleichim pour Electre/Oreste, d'Euripide, mis en scène d'Ivo van Hove (Comédie-Française)
MEILLEUR LIVRE SUR LE THÉÂTRE : Avec Joël Pommerat (tome II), l'écriture de Ça ira fin de Louis, de Marion Boudier, Éditions Actes-Sud Papiers 2018

 

MUSIQUE :

GRAND PRIX (meilleur spectacle lyrique de l’année) : Beatrix Cenci, Opéra d’Alberto Ginastera, DM Marko Letonja, MS Mariano Pensotti (Opéra National du Rhin, création française).
PRIX CLAUDE ROSTAND (meilleur spectacle lyrique créé en province) : Ariane et Barbe-Bleue, Opéra de Paul Dukas livret de Maurice Maeterlinck, DM Pascal Rophé, MSDCL Stefano Poda (Théâtre du Capitole de Toulouse)

MEILLEURE COPRODUCTION LYRIQUE EUROPÉENNE AVEC UN THÉÂTRE FRANÇAIS: Les Boréades, Opéra de Jean-Philippe Rameau, DM Emmanuelle Haïm à la tête de l’Orchestre et des Chœurs du Concert d’Astrée, MS Barrie Kosky (Opéra de Dijon Coproduction avec le Komisch Oper de Berlin)

MEILLEURE CRÉATION MUSICALE : Trois Contes, Opéra de Gérard Pesson, Livret et MS David Lescot DM Georges-Elie Octors Ensemble Ictus (Création mondiale Opéra de Lille Mars 2019 Coproduction avec les opéras de Rouen, Rennes et Angers/Nantes)
MEILLEUR CRÉATEUR D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES : Malgorzata Szczesniak, pour les décors de Lady Macbeth de Mzensk Opéra de Dmitri Chostakovitch, MS Krzysztof Warlikowski (l’Opéra National de Paris/Bastille)
PERSONNALITÉ MUSICALE DE L’ANNÉE : Michael Spyres, ténor
REVELATION MUSICALE DE L’ANNÉE : Alexandre Kantorow, pianiste
MEILLEURS LIVRES SUR LA MUSIQUE :
- Essai : Maurice Ravel intégrale de la correspondance (1895/1937), écrits et entretiens réunis par Manuel Cornejo Editions Le Passeur.
- Monographie : Alfred Cortot, par François Anselmini et Rémi Jacobs Editions Fayard.
MEILLEURE INITIATIVE POUR LE RAYONNEMENT MUSICAL: Opéra Junior de Montpellier dirigé par Jérôme Pillement au sein de l’Opéra Orchestre National de Montpellier Occitanie.

DANSE :

GRANDS PRIX : Venezuela, ch. Ohad Naharin (Chaillot-Théâtre National de la Danse)
MEILLEURS INTERPRÈTES : François Alu, Premier danseur du Ballet de l'Opéra national de Paris
PERSONNALITÉ CHORÉGRAPHIQUE DE L’ANNÉE : William Forsythe
MEILLEURS FILMS SUR LA DANSE : Maguy Marin, L’urgence d’agir, de David Mambouch, Ocean Films Distributions 
MEILLEURE COMPAGNIE : São Paulo Companhia de Dança
MEILLEURS LIVRES SUR LA DANSE  : Danser Pina, de Rosita Boisseau et Laurent Philippe, Ed. Textuel 2018

REMISE DES PRIX : 21 JUIN 2019, 11 heures

À L'OPÉRA COMIQUE

 

Fondé en 1877, le Syndicat professionnel de la Critique de Théâtre, devenu l’Association professionnelle de la critique de Théâtre, de Musique et de Danse, a pour buts de resserrer les liens de confraternité entre ses membres, de défendre leurs intérêts moraux et matériels, d’assurer la liberté de la critique. Il regroupe aujourd’hui 140 journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, française et étrangère. Il décerne chaque année des Prix pour le Théâtre, la Musique et la Danse, rendant ainsi hommage aux artistes qui ont marqué la saison.

La directrice de l’Opéra National du Rhin, Eva Kleinizt, vient de disparaître à l’âge de 47 ans au terme d’une longue maladie. Née en 1972 dans la région de Hanovre en Allemagne, Eva Kleinizt fut la première femme à diriger Opera Europa, organisme fixé à Bruxelles, fédérant les maisons d’opéras européennes et les festivals lyriques. Au terme de brillantes études de musicologie, de psychologie et de lettres (littérature italienne), elle choisit pour sa thèse de Maîtrise l’opéra du compositeur Riccardo Zandonai, Francesca da Rimini, ouvrage qu’elle présentera à la scène lors de sa première année de mandat à Strasbourg. Son parcours l’a amené à travailler pour différentes scènes dont La Monnaie de Bruxelles, avant de diriger l’Opéra de Bregenz en Autriche, puis l’Opéra National du Rhin à compter de septembre 2017, succédant à Marc Clemeur. Femme de conviction, lumineuse et toujours enthousiaste, très appréciée par ses équipes, elle se singularisait par une programmation audacieuse, faisant la part belle aux nouvelles productions (9 sur la seule saison 2019/2020), ouverte sur le monde et toutes les cultures. Elle avait ainsi fondée à Strasbourg le Festival pluridisciplinaire Armondo, qui après le Japon et l’Argentine, mettra en vedette l’Inde en 2020. C’est une grande perte pour l’art lyrique, car Eva Kleinitz possédait toutes les qualités requises pour diriger une grande maison d’opéra au plan national et elle semblait avoir tout l’avenir devant elle. Le sort en a hélas décidé autrement !

José Pons

En 2019 et pour la troisième année consécutive, le Syndicat professionnel de la critique lance un appel à candidatures pour financer (suite…)

En novembre 2017, l’AICT (Association internationale des critiques de théâtre) a tenu son 29e Congrès à Saint-Petersbourg durant le Prix Europe qui consacrait cette année deux grands noms de la scène internationale, Nuria Espert et Valeri Fokin. Une centaine de délégués venus des quatre coins du monde se sont donc retrouvés pour élire ou réélire l’équipe dirigeante de l’Association, chaque pays ayant droit à deux délégués en dehors des membres du Comité exécutif fort de dix personnalités. Ainsi la France a pu être représentée, en dehors de Jean-Pierre Han, membre du comité exécutif (vice-président et directeur des stages pour jeunes critiques), par Marie-José Sirach et Caroline Châtelet. Ce qui n’était pas de trop en un moment où la disparition de la langue française est une perpétuelle menace (alors que, rappelons-le à toutes fins utiles, l’AICT a été créée en France par des critiques français, le français demeurant officiellement l’une des deux langues officielles, avec l’anglais). Il a donc fallu batailler ferme pour que déclarations, discussions, communications du colloque consacré à la question de l’intolérance dans l’art théâtral, puissent être également traduits en français. Le bureau de l’Association a été réélu : Margareta Sörenson (Suède) est présidente, avec Michel Vaïs (Québec) et son adjoint Octavian Saiu (Roumanie) au secrétariat général, et Stéphane Gilbart à la trésorerie. Dix membres représentant dix pays différents ont été élus. Pour ce qui nous concerne nous avons été réélus, et je conserve le poste de vice-président et de directeur de stages pour jeunes critiques. L’avant-dernier stage pour jeunes critiques (avant celui de Stockholm) s’est tenu en juin dernier à Limoges lors du Festival International des écoles de théâtre organisé par le Théâtre de l’Union, CDN du Limousin dirigé par Jean Lambert-wild. Une stagiaire française, Camille Khoury, a participé à ce travail, aux côtés d’autres critiques venus de Thaïlande, d’Islande, de Serbie, de Slovaquie, de Turquie, de la République Tchèque... ; elle s’en fait l’écho dans l’article ci-après.

 

Jean-Pierre Han

 

Inscrits à notre Association, vous faites automatiquement partie de l’AICT. Une carte
professionnelle peut vous être délivrée : elle vous permet de faciliter vos contacts et l’entrée dans
des salles de spectacle si vous voyagez dans des pays af iliés à l’AICT.

Disparition d’un pionnier du théâtre populaire.

Dans son ouvrage bilan « Quittez le Théâtre affamés de changements », Alain Françon eut la belle élégance de rappeler que le Théâtre National de la Colline qu’il avait dirigé de 1999 à 2009, avait pour fondement «  l’une des plus grandes aventures de la décentralisation théâtrale », celle initiée des décennies plus tôt, avec le TEP (Théâtre de l’Est Parisien) de Guy Rétoré.

Enfant de Ménilmontant, pendant l’occupation Guy Rétoré, qui veut échapper au STO (Service du Travail Obligatoire) instauré par Vichy, se fait engager à la SNCF où existe une forte tradition de théâtre amateur. Tombé dans la marmite théâtre, le jeune cheminot suit des cours d’art dramatique, fait quelques expériences de comédien, notamment sur le Boulevard, avant de réunir en 1950 une vingtaine de jeunes comédiens avec qui il fonde la Guilde. La troupe au statut d’amateur  propose ses spectacles dans les salles de patronage du vingtième arrondissement. En 1956 avec « La Vie et la mort du Roi Jean » de Shakespeare, sa renommée dépasse les frontières de Ménilmontant, outre le public, quelques édiles éditoriaux et ministériels dressent l’oreille. L’année suivante, Guy Rétoré décroche le Grand prix du concours des jeunes compagnies et, grâce à la dotation financière du prix, fonde dans une ancienne salle paroissiale de la rue du Retrait, le Théâtre de Ménilmontant. Pour le jeune chef de troupe dont le modèle esthétique et politique était le TNP de Jean Vilar, il s’agissait d’installer un théâtre populaire à Ménilmontant et d’appliquer les principes de la décentralisation qui se mettait en place en province. De 1957 à 1960, outre les spectacles, lui et sa troupe multiplient les rencontres dans les entreprises, les écoles, les débats avec le public et ne cessent « d’élargir le cercle des connaisseurs », ce qui lui donnera quelques munitions pour défendre auprès des pouvoirs publics l’idée d’un théâtre dans l’Est parisien. Ce sera en 1963, dans un ancien cinéma rue Malte Brun qu’André Malraux inaugure comme maison de la culture et que Guy Rétoré, qui y a déjà installé sa troupe, baptise le TEP (Théâtre de l’Est Parisien) qui deviendra Centre dramatique national en 1966 et Théâtre national en 1972.

Si le répertoire s’inscrit dans le courant brechtien du temps, c’est sans dogmatisme, de manière plus charnelle que cérébrale. « L’Opéra de quat ’sous » avec Arlette Téphany dans le rôle de Jenny des lupanars fera un véritable tabac et sera repris trois saisons de suite. C’est avec elle aussi qu’il signera un mémorable « Macbeth ». Outre Arlette Téphany, Jacques Alric, Victor Garrivier, Pierre Santini, Anne Doat, Gérard Desarthe qui fut notamment un étrange et inquiétant Lorenzaccio, participeront aux belles heures du TEP. A l’affiche, bien sûr, Brecht « Sainte Jeanne des abattoirs » qui lui valut le prix de la critique, «  Maître Puntila et son valet Matti » « La Résistible ascension d’Arturo Ui », mais aussi Shakespeare, Musset, Goldoni, Gogol, O’casey, Gorki, Claudel.

Soucieux d’élargir son public à partir d’un nouveau répertoire, il sera le premier à se soucier de ce qu’on appelle aujourd’hui le théâtre documentaire. Ce sera en 68 « Les 13 soleils de la rue Saint Blaise » d’Armand Gatti élaboré avec les habitants du quartier. Plus tard ce sera « Le Chantier » de Charles Tordjman, « Clair d’usine » de Daniel Besnehard, « Entre Passion et Prairie » de Denise Bonal. C’est aussi pour élargir le répertoire à des productions plus intimes et expérimentales qu’il transformera une laverie automatique en Petit TEP. Là on y verra entre autres, dans les mises en scène de Jacques Lassalle « Théâtre de chambre », « Dissident il va sans dire » de Vinaver et « Travail à Domicile » de Kroetz.

Lorsque fut enfin décidé de construire rue Malte Brun ce qui est aujourd’hui le Théâtre de la Colline, Guy Rétoré qui avait atteint son but de donner un théâtre national à l’Est parisien, se sachant proche de la limite d’âge imposée aux directeurs de théâtres nationaux, déclina l’offre d’en prendre la direction et préféra installer le TEP devenu compagnie indépendante, dans son ancienne salle de répétition avenue Gambetta. C’est à son corps défendant et poussé par le ministère qu’il le quittera en 2002, laissant orphelin ce public authentiquement populaire qu’il avait su si bien conquérir.

Dominique Darzacq

 

 

THÉÂTRE :

GRAND PRIX (meilleur spectacle théâtral de l'année) : TOUS DES OISEAUX, texte et mise en scène Wajdi Mouawad
(La Colline – Théâtre national).
PRIX GEORGES-LERMINIER (meilleur spectacle théâtral créé en province) : SAÏGON, texte et mise en scène
Caroline Guiela Nguyen (Compagnie Les Hommes approximatifs / La Comédie de Valence – CDN Drôme-Ardèche /
joué à l'Odéon-Théâtre de l'Europe).
MEILLEURE CRÉATION D'UNE PIÈCE EN LANGUE FRANÇAISE : LES ONDES MAGNÉTIQUES, texte et mise en
scène David Lescot (Comédie-Française – Théâtre du Vieux-Colombier).
MEILLEUR SPECTACLE ÉTRANGER : TRISTESSES, texte et mise en scène Anne-Cécile Vandalem (Das Fräulein
Kompanie, joué à l'Odéon-Ateliers Berthier).
PRIX LAURENT-TERZIEFF (meilleur spectacle présenté dans un théâtre privé) : SEASONAL AFFECTIVE
DISORDER, de Lola Molina, mise en scène Lélio Plotton (Théâtre du Lucernaire).
MEILLEURE COMÉDIENNE : ANOUK GRINBERG dans Un Mois à la campagne d'Ivan Tourgueniev, mise en
scène Alain Françon (Théâtre des nuages de neige / joué au Théâtre Déjazet).
MEILLEUR COMÉDIEN : BENJAMIN LAVERNHE dans Les Fourberies de Scapin de Molière, mise en scène Denis
Podalydès (Comédie-Française – salle Richelieu).
PRIX JEAN-JACQUES-LERRANT (révélation théâtrale de l’année) : PAULINE BAYLE pour sa mise en scène
d'Iliade / Odyssée, d'après Homère (Compagnie À Tire-d'aile / joué au Théâtre de la Bastille).
MEILLEURE CRÉATION D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES : EMMANUEL CLOLUS pour Tous des oiseaux, texte et mise
en scène Wajdi Mouawad (La Colline – Théâtre national).
MEILLEURS COMPOSITEURS DE MUSIQUE DE SCÈNE : VINCENT CAHAY et PIERRE KISSLING pour
Tristesses, texte et mise en scène Anne-Cécile Vandalem (Das Fräulein Kompanie / joué à l'Odéon-Théâtre de
l'Europe).
MEILLEUR LIVRE SUR LE THÉÂTRE : QU'ILS CRÈVENT LES CRITIQUES !, par Jean-Pierre Léonardini (Solitaires
Intempestifs).
Fondé en 1877, le Syndicat professionnel de la Critique de Théâtre, devenu l’Association professionnelle de la critique de Théâtre, de Musique et
de Danse, a pour buts de resserrer les liens de confraternité entre ses membres, de défendre leurs intérêts moraux et matériels, d’assurer la
liberté de la critique. Il regroupe aujourd’hui 140 journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, française et étrangère. Il décerne chaque année
des Prix pour le Théâtre, la Musique et la Danse, rendant ainsi hommage aux artistes qui ont marqué la saison.

 

MUSIQUE :

GRAND PRIX (meilleur spectacle lyrique de l’année) : LE DOMINO NOIR, opéra-comique de Daniel-François Esprit
Auber / Direction musicale Patrick Davin / Mise en scène Valérie Lesort et Christian Heck (Opéra Comique - Paris, Opéra
Royal de Wallonie - Liège).
PRIX CLAUDE ROSTAND (meilleur spectacle lyrique créé en province) : WERTHER, opéra de Jules Massenet / Direction
musicale Jean-Marie Zeitouni / Mise en scène Bruno Ravella (Opéra national de Lorraine à Nancy).
MEILLEURE CRÉATION MUSICALE : PINOCCHIO, opéra de Philippe Boesmans sur un livret de Joël Pommerat d’après
Carlo Collodi / Direction musicale Emilio Pomarico à Aix-en-Provence, Patrick Davin à Bruxelles (Festival international d'art
lyrique d'Aix-en-Provence, Théâtre royal de la Monnaie - Bruxelles).
MEILLEUR CRÉATEUR D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES : JEAN-PHILIPPE CLARAC et OLIVIER DELOEUIL, dans le cadre
de leur résidence à l’Opéra de Limoges pour les spectacles suivants : Peer Gynt d’Edward Grieg en co-production avec
l’Opéra de Montpellier / Schubert-Box sur des lieder de Schubert / Butterfly d'après Giacomo Puccini en co-production
avec l’Opéra de Rouen.
PERSONNALITÉ MUSICALE DE L’ANNÉE : STÉPHANE DEGOUT, baryton.
REVELATION MUSICALE DE L’ANNÉE : JULIEN MASMONDET, chef d'orchestre.
MEILLEURS LIVRES SUR LA MUSIQUE :
- Essai : LE VOYAGE D’HIVER DE SCHUBERT, ANATOMIE D’UNE OBSESSION, par Ian Bostridge (Actes Sud).
- Monographie : FRITZ BUSCH, L’EXIL 1933/1951, par Fabian Gastellier (Notes de Nuit/Collection la beauté du geste).
MEILLEURE DIFFUSION MUSICALE AUDIOVISUELLE : CLAUDE DEBUSSY - INTÉGRALE DE L’ŒUVRE (coffret de
33 CD comportant des pièces inédites – Warner classics) / Texte de présentation Denis Herlin.
PRIX DE L’EUROPE FRANCOPHONE : ADRIANA LECOUVREUR, opéra de Francesco Cilea / Direction musicale
Maurizio Benini / Mise en scène Davide Livermore (Opéra de Monte-Carlo, Opéra de Saint-Étienne, Opéra de Marseille).

 

DANSE :

GRANDS PRIX EX-AEQUO :
- FINDING NOW, Chorégraphie Andrew Skeels, Théâtre de Suresnes Jean Vilar/Festival Suresnes Cités Danses 2018.
- CROWD, chorégraphie Gisèle Vienne, DACM, Compagnie Gisèle Vienne.
MEILLEURS INTERPRÈTES : HOFESH SHECHTER II - SHOW, chorégraphie Hofesh Shechter, Théâtre des Abbesses
2018.
PERSONNALITÉ CHORÉGRAPHIQUE DE L’ANNÉE : BRUNO BOUCHÉ, directeur du CCN / Ballet de l'Opéra National
du Rhin.
MEILLEURS FILMS SUR LA DANSE EX-AEQUO :
- LOUISE LECAVALIER-SUR SON CHEVAL DE FEU, réalisateur Raymond St-Jean, Ciné Qua non Média Production,
Distribution Film Option International.
- MAURICE BÉJART, L’ÂME DE LA DANSE, d’Henri de Gerlache et Jean de Garrigues, Arte.
MEILLEURE COMPAGNIE : BALLET NATIONAL DU CANADA, direction artistique Karen Kain pour Nijinsky de John
Neumeier, Transcendanses 2017-18, Théâtre des Champs-Élysées, 2017.
MEILLEURS LIVRES SUR LA DANSE EX-AEQUO :
- DANSER AVEC L'INVISIBLE, Akaji Maro, Riveneuve éditions.
- POÉTIQUES ET POLITIQUES DES RÉPERTOIRES, LES DANSES D'APRÈS, I, Isabelle Launay, Éditions Centre
national de la danse.

 

 

 

REMISE DES PRIX : 18 JUIN 2018, 11 heures

AU THÉÂTRE PARIS VILLETTE, 211 avenue Jean Jaurès, Paris XIXème

Un artiste aux merveilleux délires
Il avait fondé en 1972 le Naïf Théâtre, mais il n’était en rien naïf, Richard Demarcy qui, né Bosc- Roger en Roumois, 1942, vient de s’éteindre à Paris, le 19 août. Il aimait à la fois l’innocence des gens simples et tout ce que recèle l’apparente candeur des fables et légendes. Il connaissait des milliers d’histoires merveilleuses et en écrivait lui-même – poète, romancier, il a publié pas mal de récits et de vers, en plus de ses nombreuses pièces. Il pouvait vous parler pendant des heures de mythes africains et de contes amérindiens, en goûtant leur invention, leur profondeur et leur puissance éternelle. On lui a connu quelques fonctions officielles : il a été secrétaire général du théâtre de la Commune d’Aubervilliers de 1968 à 1972 (c’est Gabriel Garran qui l’a fait débuter) ; docteur en sociologie, auteur des fondamentaux Eléments d’une sociologie du théâtre, il fut professeur à la Sorbonne nouvelle. Mais il a toujours refusé de diriger une institution. Il aimait
bien son nomadisme, sa liberté, ses voyages en Afrique, ses détours au Portugal, sa place au milieu des petites troupes et au service des oubliés et des enfants. A la fin de sa vie, il donnait surtout ses spectacles dans les écoles, avec une troupe qui comportait de acteurs venus de toute l’Europe et de tous les continents. C’était, à chaque fois, une leçon de vie, une explosion de vitalité où l’art dramatique était à la fois dans la culture la plus moderne et dans le dépouillement
débridé de ses origines. Comme il va manquer à ses acteurs et à ce public populaire auquel s’adressait comme personne !

Ses pièces principales s’appellent La Grotte d’Ali, L’Étranger dans la maison, L’Enfant d’éléphant (d’après Kipling), Les Mimosas d’Algérie, Oyé Luna, Les Deux Bossus, Histoires du monde, Barracas 1975 (écrit avec celle qui fut longtemps son épouse, Teresa Mota), Vies courtes et La Nuit du père. Tous ces spectacles ont été des réussites, dans un style volontiers échevelé. Parmi ses mises en scène on retiendra surtout La Chasse au snark d’après Lewis Carroll, créé au Centre Pompidou en 1979, puis repris à la Tempête : c’était une soirée tout en vagues ; le public encaissait les embruns et les odeurs de poisson. Une magnifique folie ! Les merveilleuxdélires de Demarcy étaient généreux.

L’homme était joyeux, rieur, une sorte d’Armand Gatti allègre : encyclopédique dans un perpétuel amusement. Son art de la comédie directe, comme si elle se déroulit toujours sur la place publique, visait à corriger les mauvaises farces du monde : pari impossible qu’il assumait sans fatigue. La maladie finit par l’entraver. Depuis deux ans, on le savait luttant contre un mal qu’il pouvait défier mais ne plus ignorer. Le mot fin vient de s’écrire sur le livre de sa destinée. Notre émotion est grande, et nos pensées vont aussi vers son fils, Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’automne.

Gilles Costaz

Micheline Rozan est née le 11 septembre 1928 à Paris.

1947. La guerre est finie depuis peu. Des étudiants étrangers arrivent à Paris en très grand nombre. Il faut les aider à trouver un logement, les orienter dans les méandres de la Sorbonne, faire une brèche dans leur isolement. Un dirigeant exceptionnel du CROUS, Jacques Chatagner, confie ces taches à Micheline Rozan. Elle a 19 ans. Ainsi se crée, au 15 rue Soufflot, un petit «bureau d’accueil» qu’elle dirige et anime.

Déjà, elle aime le théâtre, le cinéma, le journalisme. Ce sont les thèmes des «sessions culturelles» qu’elle organise au Manoir de Boncourt, à 80 kms de Paris, près d’Anet. Aidée par une poignée d’amis, élèves des Beaux-Arts, elle rend le Manoir hospitalier pour y faire vivre, pendant un week-end entier une trentaine de participants de toutes nationalités. L’atmosphère est chaleureuse, les repas raffinés pour contraster avec l’ordinaire des restaurants universitaires. Elle fait appel, comme conférenciers, à des personnalités de premier plan. Elle n’essuie aucun refus. A une session sur la presse, par exemple, se retrouvent à Boncourt le président Albert Bayet, Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, Claude Bourdet, directeur de l’Observateur et Raymond Manevy, rédacteur en chef de Paris-Presse. Ces rencontres ? Une goutte d’eau si l’on pense au petit nombre d’étudiants concernés – mais aussi une parenthèse heureuse dont les participants gardent le souvenir longtemps après être retournés chez eux.

Lors d’une des sessions consacrées au théâtre, Micheline Rozan fait la connaissance de Jean Vilar qui venait de créer le Festival d’Avignon. Lorsqu’il est nommé quelques mois plus tard à la tête du T.N.P., elle fait acte de candidature spontanée. Ainsi entre-t-elle au Théâtre National Populaire, celui de la grande époque : Jean Vilar, un administrateur hors pair Jean Rouvet, une troupe composée de Gérard Philipe, Maria Casarès, Alain Cuny, Monique Chaumette, Silvia, Monfort, Geneviève Page, Georges Wilson, Philippe Noiret, Jean-Pierre Darras, Daniel Sorano, …Trois spectacles par an, représentations à Chaillot et Avignon, tournées dans le monde entier, innovations en tous genres quant à la recherche de nouveaux publics : la création d’avant-premières, «nuits» (spectacle suivi d’un bal), ouvreuses et vestiaires gratuits, etc.

En ayant la charge du secrétariat général de 1952 à 1957, elle découvre tous les rouages qui font qu’une entreprise théâtrale se démarque de toutes les autres. Au bout de 5 années - elle a maintenant 29 ans - elle rejoint la plus importante agence française CIMURA, elle-même reliée à  la plus importante agence américaine MCA. Là elle représente des acteurs : Jean-Paul Belmondo tout frais émoulu du Conservatoire, Annie Girardot, Jeanne Moreau, Maria Casarès, Marie Bell, …

Auprès d’Albert Camus, elle joue un rôle déterminant dans la création au Théâtre Antoine de son adaptation des Possédés de Dostoïevski. Le soir de la première, elle reçoit des fleurs de Camus avec un mot : «Les Possédés vous doivent de voir le jour. Sachez que je ne l’oublierai pas. Votre ami A.C.». Avec lui, elle devait mettre sur pieds un projet cher à son cœur : un théâtre d’auteurs contemporains. L’élan fut coupé par la mort tragique de Camus le 4 janvier 1960. Pendant le temps de CIMURA, d’autres spectacles sont à mettre au crédit de Micheline Rozan : Cher Menteur, où Maria Casarès et Pierre Brasseur triomphent à l’Athénée, Vu du Pont, avec Raf Vallone, qui triomphe à Antoine. C’est à cette occasion, en 1956, qu’elle fait la connaissance de Peter Brook avec lequel se nouent des liens qui ne se sont jamais dénoués.

MCA lui offre des missions à New-York et des stages à Hollywood au sein même de l’Agence, qui lui permettent de voir de près le fonctionnement d’une agence qui représente la quasi-totalité du monde du spectacle outre-atlantique.

1963. Micheline Rozan crée sa propre société. Elle produira notamment : La Reine verte de Maurice Béjart, musique de Pierre Henry, avec Maria Casarès et Jean Babilée ; Oh papa, pauvre papa d’Arthur Kopit avec Edwige Feuillère ; Une Histoire immortelle, film d’Orson Welles avec Jeanne Moreau et Orson Welles ; L’Aide-mémoire, première pièce de Jean-Claude Carrière, avec Delphine Seyrig ; Harold et Maude, de Colin Higgins, par la Compagnie Renaud-Barrault.

Elle est à l’origine de l’unique venue en France de Lee Strasberg, fondateur de l’Actor’s Studio.

En même temps, elle représente Jeanne Moreau lorsque celle-ci tourne sous la direction de Malle, Truffaut, Antonioni, Demy, Brook, Bunnuel, …

Lorsqu’en 1970, Peter Brook fait appel à elle pour entreprendre les étapes qui mèneront à la réouverture des Bouffes du Nord, tout ce qu’elle a appris au cours d’une vie déjà bien remplie trouvera naturellement à s’exprimer. Elle codirige les Bouffes du Nord jusqu’en 1997 et revient quelques années plus tard aux côtés de Peter Brook. Ils passeront le relais à Olivier Mantei et Olivier Poubelle en 2010.

Une cérémonie aura lieu vendredi 14 septembre à 16h au crématorium du Père Lachaise